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La pluie tombe sans s'arrêter. Elle ne te gêne pas le moindrement, alors que tu l'observes depuis la fenêtre de ton bureau. La journée est calme, au musée, et tu as les pensées vagabondes. Tu as travaillé à récupérer une toile provenant de Thaïlande pour une prochaine exposition toute la journée, et tu as besoin de penser à autre chose. Tu décides de terminer un peu plus tôt, ayant envie d'une longue soirée chez toi avec une bouteille de vin, de la musique et peut-être une longue conversation avec ton nouveau colocataire, s'il était présent. Sinon, tu te contenterais peut-être d'un film. La perspective de tranquillité t'appelle dans tous les cas, et tu rentres chez toi en quelques minutes à peine, évitant la pluie par ton stationnement sous-terrain. Tu montes dans l'ascenseur, et tu t'arrêtes devant la porte de ton appartement. Quelque chose attire ton attention - il y a quelqu'un chez toi, et ce n'est pas Akan.
Tu n'es pas alarmée, cependant. Tu reconnais bien cette énergie, et ton instinct te murmure de qui il s'agit. Tu entres donc, déposant tes affaires, et découvre sans la moindre surprise ton petit frère, installé dans ton salon. Il s'est ouvert une bouteille, et tu lui donnes un sourire amusé. « I was saving that one. » Que tu lui dis, désignant ce qu'il avait choisi. Mais ce n'est que pour le taquiner - Arran est chez lui, chez toi. Tu laisses ton sac sur l'îlot de la cuisine. « You've been up to no good, bhai. » Tu lui souffles en l'approchant. « I can see it in your eyes. » Ton sourire reste là, par contre. Tu es contente de le voir - ton petit frère, ton sang, ton coeur. Ça n'arrivait pas si souvent que vous étiez dans la même ville, ou même dans le même pays - et tu avais parfois passé des années sans apercevoir son visage. De l'avoir si près te rassurait beaucoup - tu avais besoin de savoir qu'il allait bien, et que tu pourrais le protéger s'il avait besoin.
Tu déposes un baiser contre sa tempe, avant de t'assoir sur le fauteuil à ses côtés. « To what do I owe the pleasure of your visit ? » Tu croises les jambes, le coeur tranquille, espérant simplement que ton petit frère n'avait pas des ennuis comme ça avait si souvent été le cas par le passé.
Peut-être aurais-tu dû appeler avant de débarquer. Il n'y avait pas mort d'homme. Tu dirais simplement que tu avais oublié. Ce qui était la majeure partie de la vérité. L'autre étant une simple fainéantise, au moment où Amara n'avait pas répondu à sa porte d'entrée, et où tu avais réalisé qu'elle n'avait aucune raison d'être ici à t'attendre. Tant pis.
Tu étais entré par effraction. Tu t'étais essayé à crocheter la serrure, qui avait étonnamment cédé. Tenté le premier code d'alarme qui te passait par la tête. Un succès. Tu n'avais pas souvenir qu'Amara ait un jour été aussi facile à décrypter. Mais tu la connaissais. La suite de numéro choisis faisait du sens pour elle, pour toi — et peut-être personne d'autre, à part ça.
Tu t'étais installé. Fouinant aux quatre coins du duplex pour trouver une chambre d'amis vide, tu étais tombé sur une pièce au lit trop bien fait, remplie de vêtements, de livres et de CDs que tu n'associais pas à ta soeur. Tu t'étais demandé si tu aurais pu t'être trompé de porte, mais le reste de l'endroit ne manquait pas. Amara avait de la visite ; rien d'autre n'aurait expliqué ça.
Tu avais abandonné ton sac dans le bureau, à la place. Puis, une fois redescendu, tu t'étais attardé dans la cuisine, pillant son frigo par plaisir. Inspectant les bouteilles qu'elle gardait les plus hors de portée, pour choisir celle qui te plaisait. Un verre, un tire-bouchon. Ton festin rassemblé sur la table basse. Tes chaussures abandonnées à l'entrée du salon. Ta veste, à l'étage. Tu étais prêt.
Le vin est divin. La bouffe, tout autant. T'as croisé tes pieds sur la table basse, et ton regard parcourt les photos du livre que tu as tiré au hasard de sa bibliothèque. Quand tu entends la porte d'entrée s'ouvrir, tu ne bouges pas. Relèves à peine les yeux pour croiser ceux d'Amara, qui n'a pas l'air surprise de te trouver là. À faire comme chez toi. « I was saving that one. » « I hope so. It's absolutely exquisite. » Tu lui rends à peine son sourire. Tu ne lui proposes pas d'en prendre une gorgée. Tu sais qu'elle se servira si elle le veut.
Elle abandonne son sac dans la cuisine, puis revient vers toi. Tu as finalement fermé le livre que tu tenais, et tu t'es penché pour le poser sur la table basse. Reprendre ton verre, au passage. Et un peu de charcuterie, pour ce qu'il en reste. « You've been up to no good, bhai. I can see it in your eyes. » Tu enfournes le morceau de saucisson dans ta bouche, avant de hausser les épaules. « It's been a busy year, I have to admit. » Ou peut-être deux ans. Ou trois. Ou cinq, ou dix. Pour toi, la différence n'existait pas. Tu ne savais pas quand tu avais vu Amara pour la dernière fois, mais tu aurais parié la mauvaise date si tu avais essayé.
Elle te claque un baiser sur la tempe, et tu ne réagis pas. Reprends un peu à manger, avant de t'enfoncer de nouveau dans le canapé, la bouche pleine et ton verre à la main. « To what do I owe the pleasure of your visit ? » Tu prends le temps de mastiquer, articulant entre quelques coups de dents : « Hm, well, y'know... » Tu as besoin d'avaler avant d'être capable de continuer. « I was around, and I thought I'd pay you a visit. Wanted to see if you had given yourself a wrinkle or two. But you look great, as always. » Tu prends une longue gorgée de vin. Amara collectionnait. Toi, tu ne voyais pas l'intérêt d'entasser si tu ne pouvais pas consommer.
« So, what's up with the guy living in your spare room ? » Tu pointes ton doigt vers l'étage, une lueur intriguée dans l'oeil. « D'you have a new pet ? » C'est plus taquin que méchant. Tu n'avais jamais manqué de respect à ta soeur, ou à la vie qu'elle vivait. Tu étais simplement curieux de savoir qui avait volé la chambre où tu aurais dû t'installer. C'est mon droit, non ? « A boyfriend, maybe ? His bed looks kinda clean. Thought maybe he shared yours, and I could steal his. » Tu pousses un peu le bouchon, mais le sourire malicieux sur tes lèvres ne ment pas. T'es curieux, rien de méchant à ça. Et t'es juste diablement content de revoir Amara.
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