monsters and demons
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À tes côtés, Akan semble doucement se détendre. Sans doute étouffée par l'habitacle inévitablement minuscule, peut-être même un peu secoué par la vibration des roues contre une route inégale, creusée par les hivers rudes et le dégel qui ne pardonne pas. Tu essaie d'adapter ta conduite pour ne pas lui donner davantage le vertige, mais tu te doutes qu'il doit avoir hâte d'arriver à destination - et toi aussi, tu dois l'avouer. L'envie de cette vente aux enchères entièrement disparue, ta curiosité entièrement happée par ta nouvelle rencontre, tu comptais bien lui consacrer un peu de ton temps et de ton énergie. Akan s'installe confortablement à tes côtés, inspirant l'air provenant de la fenêtre air à grandes inspirations, et tu lui jettes un simple regard curieux. Toi, tes deux mains sont autour du volant, conduite nonchalante et contrôlée, la nonchalance de quelqu'un qui conduit depuis presque trop longtemps - et à cette heure, les routes sont désertes. Tu restes prudente, tu sais qu'un accident est vite arrivé, mais l'angoisse de la route t'a quitté il y a bien longtemps. Les arbres défilent, l'asphalte aussi, et ça a quelque chose de profondément tranquille, conduire. Tu as toujours bien aimé ça - pouvoir te déplacer tellement plus rapidement que tu as pu le faire pendant longtemps. Tu peux laisser penser dériver un peu, bien que jamais trop loin. Le silence te plaît, mais la musique tout autant, alors tu lui proposes d'en mettre un peu pour égayer le voyage.

Akan semble un peu suspect quand tu lui fais la proposition, mais il finit par opiner. « Wow. Apple really gave it an effort. » Tu en rigoles un peu - il est vrai que les petits appareils avaient bien changé depuis quelques années. Toi, ça faisait bien longtemps que tu ne t'étonnais plus des avancés de la technologie - ça te donnait trop le tournis de t'y attarder. Tu ne faisais que t'adapter comme tu le pouvais. « Facial recognition ? Really ? I need you here. » Son amusement te fait sourire, et tu présentes tes traits - un grand sourire aux lèvres pour ponctuer l'image qui se présente. Ça te rend d'humeur légère, de le voir si curieux et fébrile de découvrir les nouveautés, jusqu'à presque l'envier. En espérant que ça ne passe pas tout de suite - que la morsure inévitable du temps ne rattrape pas trop vite, Akan. Tu te laisses découvrir le reste, un peu inquiète quand il semble vouloir calmer un vertige - et tu le comprends plus que tu ne saurais l'avouer. It's okay,
let it come, let it pass.

« Oh. Oh, yes. » Les notes familières qui remplissent l'habitacle te tire un nouveau sourire, et tu acquiesces de la tête pour suivre le rythme de la chanson légendaire. « Excellent taste, I see. » Tu lui soulignes, tapotant légèrement le volan en murmurant les paroles connues. « Oh it's been a while. » Tu hoches de la tête. « You and me both. » Tu te laissais plus souvent qu'autrement tentée par de la musique instrumentale, souvent par le silence, aussi ; mais tu savais apprécier la bonne musique quand tu t'y attardais. Elle pouvait guérir bien des maux. « You've got some pretty awesome stuff in here. Got a favorite ? » Tu inspires profondément, prenant le temps d'y réfléchir. Tes yeux qui ne quittent pas vraiment la route sinueuse, mais tu jettes tout de même quelques coups d'oeil à Akan à tes côtés, parfaitement en contrôle de ta conduite. « My favorite musician was a harp player. Could bring tears to your eyes with a few notes. But unfortunately, he passed away long before his music could be recorded. And nobody has ever lived up to what he actually wrote down. » Tu racontes ça d'une voix nonchalante, pourtant bercée par le souvenir de ce harpiste que tu avais connu voilà de ça une éternité. Tu donnes un sourire à Akan, un peu plus complice. « But I also really like Queen. » Que tu ajoutes le plus simplement du monde.

La route défile, les minutes aussi. La musique passe, montant en intensité, se promenant dans les dernières décennies, s'attardant sur une époque trop souvent révolue. Mais ça te plaît, de te laisser aller dans les mélodies un peu, permettre à Akan de trouver son équilibre dans tout ça. Conversation qui ne s'attarde jamais trop, la conduite t'occupe et les souvenirs semblent l'engloutir. Tout ce qu'il y a de normal ; ça ira mieux une fois posé. Une vingtaine de kilomètres et vous serez aux frontières de la ville ; et tu lui poses finalement la question qui te brûle les lèvres. « You know this town. » Plus ou moins une question, mais tu commences doucement. « Did you live here, before ? » Curiosité, pour savoir où te placer. Devrez-vous être prudents et éviter les grands rassemblements, au risque que des yeux se déposent sur un fantôme qui ne devrait pas être là ? La voiture qui quitte une autoroute pour se glisser sur une route plus discrète, menant une longue tirade jusqu'à Blackwater Falls.

-- @akan mohren  :keur:

[ août 2019 / monsters and demons ]

La musique apaise immédiatement tes maux. Le rythme balaie l'habitacle, et tu l'accompagnes de mouvements de tête parfaitement contrôlés. Amara t'imite, et vous murmurez les paroles entre deux élans de conversation.

T'es bien, là. Les mauvais souvenirs reviennent en vague, les tremblements et l'envie de hurler ne te quittent jamais tout à fait, mais tu t'habitudes à la douceur de l'air et à la sincérité de la compagnie. Les notes et les mots pour te canaliser, ancres de la réalité. Ton esprit s'y enroule, désespéré, et Amara s'assure que tu ne lâches pas prise. Tranquille, à tes côtés. Rencontre inattendue,
Et évidente à la fois.

Tu te prends à t'interroger sur ses préférences musicales. Intrigué par la profusion de noms que tu ne connais pas, et la variété de genres que tu croises dans les albums. What really moves you, Amara ? Tu la guettes du coin de l'oeil, le corps relâché, ton pied seulement pour taper le rythme de la chanson qui jouait toujours. Fasciné par les mouvements de son visage, la courbe de ses lèvres, le son de sa voix. « My favorite musician was a harp player. Could bring tears to your eyes with a few notes. But unfortunately, he passed away long before his music could be recorded. And nobody has ever lived up to what he actually wrote down. » Tu te doutais qu'elle était âgée, son énergie entière le soufflait, mais tu te demandes désormais à quel point. La question t'obsède peu, pourtant. L'histoire t'a emporté, et tu voudrais pouvoir entendre la harpe telle qu'elle te l'a raconté. Tes traits sont retombés en une expression douce, apaisée. Un sourire au bord des lèvres, alors que tu essaies de te représenter l'ampleur de la vie qu'elle avait eue. How old are you, really ? « But I also really like Queen. » L'ajout tombe comme un cheveu sur la soupe, et tu en ris. Rapidement, légèrement, le sourire ne te quittant plus après ça. Tu forces ton regard à se détacher d'elle pour retourner sur la route, devant vous. Le paysage changeant, et pourtant identique. Ô Canada. « Queen it is, then. » Et le choix te va. Quand la chanson se termine, tu laisses tes doigts sélectionner un album, et laisse l'habitacle s'emplir de la musique familière. Sans rien ajouter. Sans la questionner.
T'imprégnant encore de son histoire, et laissant ton imaginaire en être bercé.
Pourquoi tout gâcher ?

Le silence s'installe sans malaise. Au rythme de la playlist que tu concoctes à l'improviste, chaque fois qu'un nom capte ton attention ou qu'un élan de nostalgie te fait retourner vers les albums qui t'avaient manqué. Tu t'habitudes à la paix que la présence d'Amara à tes côtés te procure. Laissant peu à peu les mauvais souvenirs refluer. Te prenant, pour quelques longues minutes, à apprécier le trajet. Hâte d'être arrivé, bien entendu — mais la vue de Blackwater Falls ne t'avait pas particulièrement manqué.

Et on dirait qu'elle lit dans tes pensées. Quand vous croisez un des rares panneaux indiquant la direction de la ville, elle semble capituler. Poser la question que tu t'étais attendu à avoir bien plus tôt, mais que tu n'aurais jamais pu éviter. « You know this town. » C'est une affirmation aisée à faire, mais tu apprécies qu'elle prenne le temps de la poser. Préparer le terrain glissant, t'habituer au sujet que tu devrais affronter. Les visages de Marsali et d'India te sautent aux pensées, et tu jettes un coup d'oeil par la fenêtre pour laisser les fantômes de tes yeux refluer. « Did you live here, before ? » Tu laisses une poignée de secondes s'écouler. Cherchant les mots, et le courage de les prononcer. « Yes. » réponds-tu simplement. Garde ça au plus près de toi. « But I moved back to Calgary a few months before I died. So... I'm not sure how many people know that I'm... » Dead. You're dead. Say it, Akan.
It's the truth.
Might as well get used to it.
« Dead. » You're dead.

Tu prends une inspiration dont tu n'as pas besoin. Enfonces ton menton dans la paume de ta main, les yeux vagabondant sur les silhouettes recroquevillées des arbres. « One, for sure. » Les nouvelles tournaient vite, cependant. D'autres en auraient été informés. Certains seraient sûrement venus à tes funérailles. Avais-tu été incinéré ? « But I don't know. » La pensée t'est douloureuse. La crainte de devoir te cacher, d'être reconnu et exorcisé. Tu te forces à jeter un coup d'oeil à Amara pour te rassurer. Elle sera là.
Tu sais pas ce qui, chez elle, t'incite à tant de confiance,
Mais tu sais qu'elle ne te laissera pas tomber.

La seule chose à laquelle te raccrocher.

« How old are you ? » souffles-tu. Tes yeux vrillés sur elle, sans battement de cils pour rompre le lien qui se créait. T'as besoin de la vérité. Tu ne la demandes pas de plein front, cette fois. Laisses le temps à ton esprit de se frayer un chemin autour de tout ça. Mais la curiosité est belle et bien là, et tu ne peux la contenir aussi facilement que tu le voudrais. « You said you'd show me. » ajoutes-tu. When we're safe, t'avait-elle dit, I'll show you.
So show me.
La gorge nouée, sans place pour l'appréhension. À tenter d'un peu mieux cerner le monde autour de toi, et de comprendre ce qui était en train de t'arriver. You left this world killing creatures,
And now everything changed.

You,
Her,
The world.

Everything.

[ @amara desai ]

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« Queen it is, then. » La voix du légendaire Freddie remplit l'habitacle de ta Lexus, et tu as le sourire aux lèvres. Akan a accueilli ton histoire sur le harpiste sans tressaillir. Il a compris, très certainement, que tu étais bien plus âgée que ce que tu avais l'air, mais il n'insiste pas, pas pour le moment. Ça te rassure, et tu peux profiter un peu de la route, le laissant jouer les mélodies attrapant son intérêt ou éveillant sa curiosité. Parfois le rythme est doux, parfois plus agité. Et on dirait que tu peux l'entendre penser, à tes côtés, voguant dans les souvenirs, les doutes, les incertitudes, et les innombrables questions qui doivent assaillir son esprit. Que faire ? Où aller ? Sa vie, changée à jamais. La mort l'avait emporté ; voilà bien quelque chose que tu ne pouvais pas prétendre, malgré ta longue vie. C'était un nouveau départ que tu n'avais jamais eu, tu avais simplement eu à te reconstruire, à tout oublier délibérément, pour ne pas trop souffrir. Tu espérais qu'il saurait faire de même, repartir du bon pied, et régler les histoires qui pourraient assombrir son coeur trop longtemps. Qu'il prenne le temps ; il l'avait, à présent.

Tes réflexions sur l'immortalité et le passage du temps prennent la plupart du chemin jusqu'à Blackwater Falls, où les arbres et la route familière te rappelle sa manière de te regarder, quand tu l'avais mentionné. Alors tu lui demandes, pourquoi il semble connaître cet endroit particulier. « Yes. » Voilà qui pourrait s'avérer être compliqué. Mais pas impossible. « But I moved back to Calgary a few months before I died. So... I'm not sure how many people know that I'm... » Tu ne dis rien, tu le laisses faire son propre chemin. Un mot difficile à prononcer, sans doute. Toi, tu avais su très jeune que tu serais condamnée à une vie plus longue que la majorité ; Akan, lui, ne l'avait sans doute pas prévu. « Dead. » Tu lui donnes un sourire désolé. C'était déjà bien qu'il sache l'avouer. « One, for sure. But I don't know. » Il faudrait y aller un pas à la fois, et tu étais prête à l'aider dans le processus. « We'll deal with that when the time comes. » Que tu le rassures, pour ne pas qu'il s'en mette trop sur les épaules, non plus. Faudrait commencer par rentrer. Se changer. Se reposer.

« How old are you ? » Tu lui jettes un regard surpris, ne t'attendant pas à cette question maintenant. Mais c'était légitime, en quelque sorte. Ton hésitation doit paraître sur ton visage, parce qu'il ajoute, « You said you'd show me. » Tu déglutis, sachant qu'il avait raison. Pourquoi pas ici, de toute façon ? Alors tu inspires profondément, et tu laisses les tatouages apparaître le long de ton bras, jusqu'à ce qu'ils se glissent le long de ton poignet, puis ta main, puis tes doigts. Tu concentres ton énergie à cet endroit, gardant un oeil sur la route. Puis, la lumière bleue. Tes doigts, toujours enroulés autour du volant. Tu lui donnes un regard. « Old. » Que tu lui souffles. Tu retires tes tatouages une fois qu'il semble avoir bien regardé. « 291, to be precise. » Malgré ta réticence à le faire, tu t'assurais de garder le compte. Tu as un petit sourire. « I know. I look good for my age, huh ? » Blague classique à glisser, mais qui ne manquait jamais d'être efficace.

Tu tournes à un virage, et les premiers bâtiments de la ville remplissent les rues, remplaçant la forêt et les champs. Dans quelques minutes, vous seriez à ton immeuble. Ta Lexus s'arrête à un feu rouge, et tu te tournes légèrement vers Akan. Tu désignes ta main, tes tatouages réapparaissant brièvement. « This is me trusting you. » Que tu dis doucement, et pourtant, avec un peu de fermeté. Dans tes mots, aussi soufflé, don't make me regret it. « I will help you. But this stays between us, all right ? » Un petit sourire, au coin de tes lèvres, alors que le feu devient vert. Tu redémarres, l'esprit tranquille tout de même. « I'm guessing these aren't your first steps in this world, right ? » Tu lui demandes. « The supernatural, I mean. » Il savait clairement beaucoup de choses - à savoir pourquoi. Ancienne créature, ancien chasseur ? Dans un cas comme dans l'autre, ça ne changeait rien pour toi. This is a rebirth, Akan.
Let your past life stay behind.
Let it nourish you.
Learn from it.
But you'll have to understand it's not yours anymore.

-- @akan mohren  :keur:

[ août 2019 / monsters and demons ]

« We'll deal with that when the time comes. » Elle ne semble pas inquiète. Portée par la certitude que les choses se placeraient en temps voulu, et que vous sauriez les gérer. Cross that bridge when you get there, te souffle son aura calme — et tu commences à l'accepter. En dépit de la colère accrochée à ta peau, de la crainte de retourner dans les alentours de Red Pines. Le pays était grand. T'aurais pu tomber n'importe où. T'aurais pu revenir partout. T'aurais pu t'éloigner, vite, efficacement. Mais voilà que t'y retournais. Ville maudite, qui ne t'épargnerait jamais.

Tu choisis de détourner tes pensées. Les yeux soudainement plantés sur Amara, tout ton esprit tendu vers la question qu'elle avait laissée sans réponse, un peu plus tôt. Show me now. Une méfiance qui persiste, au coeur de la confiance que tu lui voues aveuglément. Tu veux savoir à qui tu as à faire. À quoi. Une créature, tu t'en doutes. Ancienne, avec ça. Y a quelques années, tu aurais immédiatement tenté de la tuer. Tu te serais éloigné. Sur tes gardes. Non merci.
Mais tout a changé.
Tu as changé.

T'es pas bien différent d'elle, désormais.
Et tu le sais.

Elle répond à tes questions par une grande inspiration. Puis, lentement, tu vois les tatouages se dessiner sur sa peau. D'instinct, tu serres les dents. Appréciant peu la vérité, maintenant qu'elle se présentait. Une djinn. Tu savais que d'un seul contact, elle pouvait prendre la vie. La drainer. Provoquer des hallucinations féroces, le genre à avaler. Tu sais, tu sais. Mais lorsque la lueur bleutée se met à émaner des tatouages, tu réalises la beauté de la créature qui se tient à tes côtés. Réalises qu'elle fait ça pour survivre, aussi sûrement que tu avais tué. Qu'elle est née comme ça.
Qu'elle n'a pas le choix.
Pas plus que toi.

Ta confiance recule d'un pas, mais une partie de toi l'ignore. Acceptant qu'il y avait plus de similitudes entre vous que tu ne le voudrais — et qu'au fond, elle ne pouvait plus rien te faire. Encore moins te tuer. « Old, te répond-t-elle finalement. 291, to be precise. » Ses mots te reconnectent à la réalité. Te font prendre conscience du temps qui a passé. Seulement trois ans, depuis ta mort.
Tu as l'impression de plus.
De siècles, lourds sur ta conscience, épais sur ton cuir.
« I know. I look good for my age, huh ? » Amazing, I'd say. Mais tu ne lui réponds pas. Tu assimiles encore les faits, la réalité de sa nature, et la confiance que tu lui avais si facilement vouée. Tout a changé.
Tout a changé.

Ça te brusque, l'espace d'un instant. Alors qu'elle amorce un virage qui vous fait entrer dans la périphérie de Red Pines, dont les premières maisons se dessinent le long de la route. « You do. » C'est peut-être un peu trop sec. Réservé. Expédié. Tu détournes ton regard, laisses les émotions rugir au fond de ton esprit, le long de tes nerfs. Respire, qu'elle t'avait dit. Respire.
Une inspiration, longue.
Une expiration, plus encore.
Tes poumons cessent leurs inutiles fonctions, et ton esprit est déjà plus calme. She can't do shit to you.
Nothing worse than Hell, anyway.

La voiture s'arrête. Tes yeux se posent à nouveau sur elle, attirés par les courbes des tatouages qui reviennent sur sa main. « This is me trusting you. » ajoute-t-elle — et tu réalises que tu n'as pas encore réagi. Que ton silence est sûrement plus révélateur que tu ne le voudrais. Tout a changé,
Mais t'as encore besoin de t'y habituer.
« I will help you. But this stays between us, all right ? » Tu comprends sa crainte. Elle doit sentir que quelque chose cloche. Que tu es différent. Que l'absence de mots veut dire plus que les mots eux-mêmes. Elle a besoin de savoir que tu ne la trahiras pas. Que si elle te tend la main, tu n'utiliseras pas l'autre pour la poignarder. Tu comprends ça. « Of course. » lâches-tu. Ta voix, étrangement posée. I promise I won't tell a soul. « I'm guessing these aren't your first steps in this world, right ? The supernatural, I mean. » La question te tire un sourire. L'ombre passe sur ton visage pour l'accompagner, ruines d'une vie que tu as bien failli oublier. « No. Not really. » Tu te détournes à nouveau. Les prunelles captant à peine les bâtiments familiers, autour de toi. That fucking town.

Une djinn. Assise à côté de toi. La première personne sur laquelle tu étais tombée, une créature. Pied de nez du destin, à n'en pas douter. Un test, que tu n'avais pas le choix de passer. À quoi rimerait de la tuer ?
T'es pas en contrôle de tes pouvoirs. T'as pas envie de les tester.
Et jusqu'ici, elle n'a rien fait pour le mériter.
« I used to hunt. » T'es brutalement honnête. Tu sais que ça signerait peut-être la fin de votre entente, c'était un risque — mais une part de toi en doutait. Depuis le début, la possibilité de ta nature existait. Amara devait bien le sentir. « I died on a hunt, actually. » Tant qu'à faire, autant lui donner les cartes en main. Lui faire comprendre un peu mieux l'ironie de ta situation, toi qui te retrouve maintenant dans une toute autre position. « So no. Not really my first steps. » Tu soupires. Si elle décide d'arrêter la voiture, de te demander de descendre, tu ne protesterais pas. Mais elle te faisait confiance, et elle s'attendait de toute évidence à ce que la réciproque reste en place. Aveux des deux côtés. « I didn't hunt a lot of your kind, though. » Tu ne sais pas pourquoi tu précises. C'est peut-être jouer avec le feu — ou essayer de lui faire comprendre que tes pulsions meurtrières étaient parfaitement sous contrôle. Tu avais juste ressenti le besoin de lui dire. Qu'importe l'implicite que certains membres de sa race étaient passés sous tes armes. I'm sorry about that.
But tell me you never killed a hunter.
Tell me you never killed.

You understand, don't you ?
I'm beginning to.

We're not that different, me and you.

[ @amara desai ]

monsters and demons
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Il n'y a pas de cri d'horreur ou de hoquet apeuré, une fois que tu te révèles. Tu es plutôt accueillie par un profond silence, qui t'indique qu'Akan sait très bien quelle genre de créature tu es. S'il en est repoussé, il ne le montre pas ; et tu gardes les yeux devant toi pour lui permettre de réagir librement. Tu n'as pas honte de ce que tu es, ta nature t'appartient, et tu as appris à en être fière avec les années. Mais c'était le travail d'une vie, quelque chose qui attendait encore le jeune démon à tes côtés. Tu saurais l'accompagner s'il le voulait. À tes yeux, personne ne devrait avoir à faire ça seul.

« You do. » Ça aurait pu te faire sourire, si seulement son ton n'était pas aussi sec. Tu ne peux pas le blâmer ; ça faisait beaucoup à encaisser. Tu espères ne pas t'être trompée, ne pas en avoir trop révélé. Alors tu couvres tes arrières, juste un peu, affrontant son regard. Tu y vois de la dureté, mais du désarroi, aussi. Tout ça faisait beaucoup, et tu voulais lui laisser le temps et l'espace nécessaire, mais tu avais aussi une vie à protéger. Heureusement, il te rassure ; il ne révélera pas ton secret. Une partie de toi lui fait confiance ; l'autre, qui a trop appris des erreurs du passé, reste complètement fermée. Ainsi était ta vie depuis longtemps.

Quand tu lui demandes à propos du surnaturel, c'est un sourire amer qui se dresse sur ses traits. « No. Not really. » Tu redémarres, ta voiture silencieuse sur les rues relativement désertes à cette heure-ci. « I used to hunt. » Tu t'en doutais, mais ça te glace quand même le sang. Tes doigts serrant ton volant avec un peu plus de fermeté, ta mâchoire se crispant. Un chasseur. Voilà qui il était. Qui il avait été. Tu étais exactement le genre de créature qu'il devait pourchasser et tuer sans pitié. Tu ne peux pas lui en vouloir ; les chasseurs étaient nécessaires, dans ce monde. Mais tu ne leur portais aucune tendresse. Ils étaient tes monstres, en quelque sorte. « I died on a hunt, actually. So no. Not really my first steps. » Tu hausses les sourcils, restant prudente vis à vis de cette nouvelle révélation. Tu te dis qu'au fond, ça ne change pas grand-chose. Akan avait été un chasseur, mais tout était différent, à présent. Il était devenu sa propre proie ; et tous les chasseurs n'étaient pas cruels. « I didn't hunt a lot of your kind, though. » Ces mots-là parviennent à te faire sourire. Tu te tournes vers lui après un virage. « I wouldn't hold it against you. » Après tout, il y avait bien des djinns qui méritaient la mort, tout comme les humains, tout comme les autres races. « Thank you for telling me, though. » Tu appréciais qu'il t'ait dit la vérité, et qu'il n'ait pas essayé de dissimuler son passé. Tu aurais bien détesté l'apprendre autrement ; son honnêteté semblait indiquer qu'il n'avait pas l'intention de se retourner contre toi.

« Who you were before matters little to me. What is important is what you will chose to be now. » Une nouvelle vie s'offrait à lui, et il pouvait faire le choix d'être qui il voulait. « But we'll start the basics first. » Tu acquiesces, comme pour sceller ta déclaration. « I promise not to try to kill you if you promise not to try to kill me. » Tu tournes la tête assez longtemps pour lui faire un petit clin d'oeil. Tu engages ta voiture dans le stationnement souterrain menant à ton immeuble, te plaçant dans ton endroit désigné. Tu coupes le moteur, et tu observes Akan. « We're here. » Tu ajoutes un sourire rassurant, avant de descendre de ta voiture et de te diriger vers l'ascenseur menant à ton appartement. Tes talons claquant contre le béton, le sous-terrain bien silencieux à cette heure-ci. « Sixth floor. » Tu lui indiques quand vous entrez dans l'ascenseur. « Don't worry. I have a balcony. You'll be able to take some air if you want. » À partir de là, ça serait à lui de voir ce qu'il voulait faire. Toi, tu serais là pour l'épauler.

-- @akan mohren  

[ août 2019 / monsters and demons ]

Tu as bien vu sa poigne se resserrer sur le volant, du coin de l'oeil — et tu comprends. Elle venait de s'ouvrir à un chasseur, qu'importe ton état actuel. Pour le moins contre-instinctif, et dangereux si tu décidais de retourner à tes activités. Mais tu ne te soucies pas réellement de ses craintes. Trop enfermé dans l'horreur de ta nouvelle nature, et le brusque retournement de ta situation. À t'habituer, une seconde à la fois, à cette colère qui rugissait dans ton sang, et qui menaçait de te faire perdre pied à chaque instant.

Tu lui dis que tu n'as pas tué beaucoup de djinns dans ta carrière, et elle a l'air d'apprécier ton honnêteté. C'est la moindre des choses. « I wouldn't hold it against you. Thank you for telling me, though. » Tu lui donnes un hochement de tête bref, avant de retourner ton attention aux bâtiments qui défilaient. Tu les reconnais, pour la plupart — d'autres ont changé. Le mouvement d'une vie à laquelle tu n'appartenais plus. « Who you were before matters little to me. What is important is what you will chose to be now. » Ses mots sont remplis de bon sens. Tu t'en imprègnes, coeur suspendu à des années lumières d'ici. Dans les bras de Marsali, où il s'était éteint, il y avait trois ans de ça à en juger par ce que t'avait dit Amara. « But we'll start the basics first. I promise not to try to kill you if you promise not to try to kill me. » Ton regard retourne sur la djinn à tes côtés. Elle t'envoie un clin d'oeil, et tu lui rends un sourire. Un peu réservé, encore plongé dans les souvenirs de cette vie que tu avais perdu — mais un sourire tout de même. T'es là, désormais. « Don't worry. You're the last person I want to kill right now. » Et c'était aussi vrai que tu le voulais. Djinn ou pas, Amara t'avait tendu la main alors que les ténèbres t'avalaient. Sans elle, tu serais encore planté dans ta rage et ton chagrin, à essayer de comprendre ce qui t'arrivait. So, no.
I have no intention to kill you.

La voiture s'engouffre dans un parking sous-terrain. Amara trouve sa place, s'arrête. « We're here. » Tu regardes un peu autour de toi. Le poids du béton t'étouffe légèrement, mais tu sais que tu t'y habitueras. Il n'a rien à voir avec les murs de l'enfer autour de toi. Tu sors rapidement de l'habitacle, et tu respires déjà mieux. Pas que tu en aies besoin, mais l'impression d'enfermement s'allégea quoi qu'il en soit. Tu suis Amara alors qu'elle se dirige vers l'ascenseur. En profitant pour l'observer un peu mieux. Sa démarche, ses cheveux bruns. Le hâle de sa peau. La grâce de ses pas. Là où tu gardes tes mains enfoncées dans tes poches, le cou rentré dans les épaules et le dos voûté, pour essayer de perdre quelques centimètres qui ne changeaient rien. Yeah.
She's beautiful.

« Sixth floor. » te lâche-t-elle alors que vous entrez dans l'ascenseur. Tu presses le bouton avec un grincement de dents, essayant de ne pas trop t'imprégner de la minuscule cage dans laquelle vous veniez de vous enfermer. Ça n'a rien à voir. T'es revenu.
T'es revenu.
C'est temporaire.
Personne ne va t'oublier dix ou quinze ans dedans.

L'Enfer est loin derrière.

Pas aussi loin que tu le voudrais. Sous tes paupières fermées, le temps du trajet. Sous ta peau brûlante de la torture et de la douleur fantôme qui revenait par vague. Tu n'aurais pas essayé de l'expliquer. Tu n'avais pas envie d'en parler. Tu te contentes d'accuser les mots d'Amara, qui semble sentir que quelque chose ne va pas. « Don't worry. I have a balcony. You'll be able to take some air if you want. » Tu ne réagis pas, mais l'information s'ancre au plus profond de toi. Tu combats la proximité des murs par l'imagination d'une bourrasque sur ta peau, et ça te permet de t'accrocher jusqu'en haut.

Quand les portes s'ouvrent, tes épaules se détendent. Tu la laisses sortir avant de lui emboîter le pas, sans un regard pour la cage derrière toi. Remarquant d'emblée la petite cage d'escaliers, que tu t'assurerais de prendre la prochaine fois. « You've been living here long ? » Ta voix grince un peu, se débarrasse du malaise d'être enfermé. Tu concentres ton regard sur Amara, et sur l'immeuble qui se dessine autour de vous. Curieux, de comprendre sa vie un peu mieux. Ne saisissant toujours pas ce qui t'avait valu sa main tendue. Certaines choses ne s'expliquaient pas.
Mais tu ne regrettais en rien la générosité d'Amara.

[ @amara desai ]

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« Don't worry. You're the last person I want to kill right now. » Il y a quelque chose dans ses mots, dans son sourire, qui non seulement te rassure, mais également te serre le coeur. Tu t'imagines dans les souliers de ce jeune homme, qui avait encore la vie devant lui, à se retrouver plongé dans une horreur sans nom. En tant que chasseur, il savait que l'Enfer existait, mais c'était une autre chose de s'y retrouver. Maintenant, sa vie n'était plus, son âme non plus. Ce désarroi, cette mélancolie, cette colère ; tu ne peux que l'imaginer, et en même temps, tu peux la saisir du bout des doigts. Toi, tu n'avais jamais eu à dire adieu à une quelconque vie humaine, mais de si nombreuses fois tu l'avais souhaitée avec ardeur, confinée à ton immortalité. Tu savais ce que c'était, de se retrouver en face d'années éternelles, à ne pas savoir comment les gérer, comment avancer.

Peut-être est-ce pour ça que tu as décidé d'aider Akan ; tu te retrouves en lui, et tu y vois aussi une chance de lui offrir quelque chose de stable, qu'il évite les erreurs, qu'il souffre le moins possible. Pour ça que tu l'emmènes avec toi, lui confiant tes secrets les plus privés, lui ouvrant ta porte, le conduisant chez toi comme un invité de longue date. L'ascenseur est silencieux, Akan aussi. Tu sens ses muscles se tendre, la boîte de métal le faire suffoquer. Toi, tu ne te lasses pas de prendre cette technologie, après des siècles à gravir des escaliers. Le trajet n'est pas long, au moins, et bientôt vous arrivez au sixième, le plus haut étage de l'immeuble.

Tu sens sa présence derrière toi alors que vous avancez dans le couloir, vos pas feutrés par le tapis par terre. Tu avais aimé cet immeuble pour sa tranquillité, mais aussi parce que tu n'avais qu'un seul voisin sur cet étage, un homme d'affaires qui n'était que rarement présent. Tu voyais sa femme de ménage bien plus souvent que lui. « You've been living here long ? » Il te demande alors que tu sors tes clés, l'immeuble moderne vous entourant. La porte de bois sombre porte le numéro de ton appartement, et tu secoues la tête en le déverrouillant. « A few years. » Ce n'est qu'une fraction de seconde, à tes yeux. « It's quiet. The man living next door is away most of the time. » Tu pousses la porte, laissant Akan découvrir les lieux.

L'autre raison que tu avais pris cet appartement était pour sa grandeur. Presque entièrement ouvert, chaque pièce offrait des plafonds hauts et de larges fenêtres. Le plancher ciré, les murs peints, tout respirait la nouveauté et un certain luxe que tu avais eu envie de d'octroyer. La cuisine était tout de blanc marbre, le salon riche en couleurs et textiles, les décorations artistiques parsemant le grand appartement. Tu avais un piano, des livres partout, et bien sûr, les plus beaux objets de ta collection ici et là. La cuisine, le salon et la salle à manger étaient installés dans une grande pièce, et par le couloir se trouvaient la salle de bain, le bureau et les deux chambres. C'était un appartement hors de prix, qui offrait une vue magnifique sur les montagnes, et tu y étais bien installée. Tu donnes un sourire à Akan, te tournant pour l'observer. « Welcome. » Tu déposes tes clés et ta veste, enlève tes bottes pour les laisser dans le petit hall. « Make yourself at home. As you can see, there's plenty of space. » Tu le laisse découvrir les lieux, allant appuyer sur la télécommande pour fermer les stores automatisés.

Un peu de musique classique remplit l'appartement, et tu vas dans la cuisine pour te servir un verre de vin. « What would you like first ? A glass of wine, a tour, a shower ? Some food ? » Tu ne veux pas l'étouffer. Ce n'est pas comme si vous étiez pressés, de toute façon.

-- @akan mohren  

[ août 2019 / monsters and demons ]

« A few years. » te dit-elle. « It's quiet. The man living next door is away most of the time. » Elle s'est arrêtée devant une porte en bois massif, que tu inspectes d'un coup d'oeil. Incertain d'à quoi t'attendre — mais Amara ne te laissait pas l'impression d'une femme qui se contenterait de la médiocrité. Si l'immortalité lui avait rempli les poches et avait affûté ses goûts, comme tu le soupçonnais, son style de vie le montrerait.

Tu n'aurais jamais cru si bien penser.

Lorsqu'Amara pousse la porte pour entrer, tu en oublies complètement de respirer. Nullement gêné par cette étourderie, tu n'en aurais même pas eu besoin pour te calmer. Sous tes yeux s'étale un appartement dans lequel tu n'oses pas même entrer — soudainement arraché à toute la négativité de tes quatre cents dernières années. La douleur fantôme et la colère ne tarderont pas à revenir, tu le sais, mais pour le moment l'aura calme de l'endroit a raison de toi. Plafonds hauts, immenses fenêtres. Tu avais de l'espace. L'impression d'à nouveau respirer, après la voiture, l'ascenseur et le couloir serrés.

Et les murs. Les murs. Aux bibliothèques et étagères débordants de merveilles que tu voulais approcher. Scruter. Toucher. Ta curiosité soudainement piquée, alors que ton agonie s'est tenue hors de tout, et loin de tout ce qui t'avait un jour passionné.

Tu en as les yeux légèrement écarquillés. Tu en oublies d'écouter Amara, alors que tu esquisses un premier pas dans le duplex. C'est immense. C'est réconfortant. Les reliures des livres, les objets entassés pour compléter les étagères. La vue sur les montagnes, par les vitres qui te laisseront passer la pleine lumière quand le soleil le voudra.

Plus que jamais, tu te refuses de croire à une telle générosité. Tu te demandes ce qu'Amara voudra en échange — mais tu n'as rien à donner. Tu le lui as fait comprendre, et elle a eu l'air de complètement l'accepter. Elle ne peut pas non plus te tuer, ou te blesser. Rien de ce que tu es ne lui rapporterait. Tu n'as d'autre choix que d'y croire : elle veut ton bien.

« Make yourself at home. As you can see, there's plenty of space. » Tu fais quelques pas dans le duplex, tes yeux ne cessant de courir sur le moindre des détails qui t'entoure. Tu n'es pas gêné par le réflexe d'Amara de fermer les stores — trop obsédé par la première bibliothèque de laquelle tu t'es approché. Des livres en arabes qui y sont entreposés. Du vase de toute évidence authentique et ancien, qu'elle y a posé. « What would you like first ? A glass of wine, a tour, a shower ? Some food ? » Tu relèves les yeux pour voir qu'elle est partie en direction de la cuisine. Tu n'as pas faim, pas soif. Tu te sens mal dans tes vêtements, mais tu ne sais pas si une douche y changerait grand chose. « Wine sounds good. » t'entends-tu répondre sans réellement l'imprimer. Tu as besoin de quelque chose de familier sur ta langue. Tu as besoin de faire passer l'incrédulité. « Your place is amazing. » ajoutes-tu. Et ton regard est retourné aux étagères. Tu serres le poing, hésite à toucher un livre dont le titre t'attire. Les courbes de l'arabe te ramènent des années en arrière, et enveloppent ton coeur d'une paix que tu n'aurais pas cru pouvoir ressentir aussi vite après ton retour sur terre. Quelques heures, à peine — et te voilà exposé à ce qu'il te fallait. Assez pour ignorer les picotements qui couraient toujours sous ta peau. Les brûlures qui la parcouraient. Assez pour oublier.

Tu te forces à te détourner. À enfoncer des mains dans les poches de ta veste, alors que tu fais quelques pas dans sa direction. « I don't suppose that you have a t-shirt big enough for me ? » Les trous dans le tien te laissent un goût amer. Souvenir des balles qui t'avaient emporté — et que tu aurais préféré oublier. L'Enfer avait eu la gentillesse de réparer ton corps, mais ton t-shirt avait sûrement été trop demander.

Tu gardes tes poings serrés dans tes poches, t'efforces de ne pas trop t'égarer. Tu auras le temps de visiter plus tard. Pour le moment, tu te dois de rester concentré. De ne pas succomber à l'émerveillement, pas plus qu'à l'horrible intensité de tous tes sentiments. « All this stuff... Is it yours ? » ne peux-tu t'empêcher de demander. Elle avait les airs d'une collectionneuse cultivée, mais tu avais besoin de t'en assurer. « Where did you get it ? » Ça te poussait à te demander ce qu'elle faisait de sa vie. Et ça te gardait distrait. Loin de la douleur d'être revenu. Loin de la terreur que ta présence à Red Pines réveillait. Loin de Marsali. Loin d'India. Loin de tout ce que tu avais enduré.

Réelle accalmie, dans ce cauchemar dont tu peinais à te réveiller.

[ @amara desai ]

monsters and demons
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Tu es chez toi. Cet espace, tu t'étais assurée de te l'approprier. Au cours de tes longues années, si tu avais bien appris une chose, c'était l'importance d'avoir un chez soi. Un endroit où poser ses affaires, où tu pouvais être toi-même, sans avoir à dissimuler quoi que ce soit. Tu avais possédé des maisons, des appartements, des espaces plus grands que celui-ci, plus petits aussi, mais à chaque fois tu avais pris le temps pour que tu t'y sentes bien. L'époque moderne te plaisait beaucoup, car tu avais toujours la musique à portée de main, et un véritable confort que tu n'aurais jamais pu imaginer des décennies auparavant. De la cuisine, tu observes Akan avec un petit sourire. Il parcoure les lieux comme un musée, et tu apprécies le respect qu'il semble lui porter. Tu avais beaucoup de babioles, c'était un amusement pour toi. Dans ses yeux, tu lis un certain émerveillement - et tu trouves ça tellement important. Ça en dit plus long sur lui qu'il ne pourrait l'imaginer. Juste pour ça, tu es heureuse de lui avoir tendu la main et de l'aider.

« Wine sounds good. » Sa voix est un peu ailleurs, et tu acquiesces simplement, le laissant observer les environs en silence. Tu ouvres ton armoire à vin, tu prends une bouteille - ton vin rouge fétiche - et deux verres que tu déposes sur l'îlot. Tes épaules sont détendues, la musique te remplit l'esprit. La présence d'Akan ne te gêne pas le moindrement, et tu fais confiance à ton instinct. « Your place is amazing. » Tu as un sourire, alors que tu remplis les coupes. « Thank you. » Tu laisses la bouteille sur le comptoir et tu approches, alors qu'Akan tend les doigts vers un volume. Un livre en arabe que tu avais reçu en cadeau voilà près de soixante ans. Son choix t'intrigue. De tout ce qu'il y avait chez toi, c'était la chose qui avait attiré son attention. Curieux.

« Here. » Tu lui souffles, lui tendant son verre, l'observant sans la moindre gêne. Tu détailles un peu plus ses traits. Il est définitivement plus grand que toi, maintenant que tu n'as plus tes talons, mais ça ne te gêne pas le moindrement. « I don't suppose that you have a t-shirt big enough for me ? » Tu comprends son envie de se changer. « I think my brother left some stuff here. I'll go and look, they might fit you. » Tu prends une longue gorgée de vin. Les gens s'attardaient sur les sculptures, les peintures, parfois les livres - mais rarement celui-là. Ça continue de te travailler.

Mais tu gardes ton sourire, devant la curiosité d'Akan. Sa présence te fait du bien, sans que tu ne te l'expliques. « All this stuff... Is it yours ? » Tu acquiesces. « Yes. » Tu es fière de tes collections, tu dois bien l'avouer. « Where did you get it ? » La grande question. Ça tire ton sourire davantage, alors que tes yeux brillent. Tu hausses légèrement les épaules. « Here and there. Some are gifts, others I saved over time. » Tu tournes les yeux vers les rangées de livres sagement rangés, te perdant légèrement dans tes souvenirs. « But mostly I like collecting stuff. Finding rareties, taking care of antiquities. It's my current job, actually. I work at the museum. » Tu tournes la tête pour lui jeter un bref coup d'oeil. « And I love going to auctions. You find real treasures, there. It's a good thrill, too. Especially if it's not entirely legal. I was planning to go to one tomorrow - but then I found you. » Et ce n'est pas une perte, crois-moi. Ton sourire le lui souffle, alors que tu l'observes.

Tu prends une gorgée de vin, le goût délicieux contre ta langue, chaud et rassurant, avant de te tourner un peu plus vers lui. « It's poetry. Written by an old friend of mine. » Que tu lui dis, tendant la main pour glisser ton doigt contre la courbe du livre qu'il avait observé quelques minutes plus tôt. « Why this one ? What caught your eye ? » Tu es curieuse, tout simplement. Peut-être parle-t'il arabe. Peut-être aimait-il juste les courbes des caractères. Tu ne veux que savoir - et ensuite, tu iras lui chercher des vêtements, et tu le laisseras te reposer.

-- @akan mohren  

[ août 2019 / monsters and demons ]

La coupe de vin est fraîche entre tes mains. Suffit à te ramener à la réalité, alors que tu prends conscience de l'état de ton t-shirt, et de l'inconfort qu'il te procurait. Tu as remercié Amara pour le verre, et voilà que tu t'aventures à abuser davantage de sa générosité. Un t-shirt propre ne serait pas du grand luxe, il faut avouer. « I think my brother left some stuff here. I'll go and look, they might fit you. » Tu ne t'attendais pas à ça. Tu lui souris. « Thank you. » L'impression d'un peu trop dire ça. Mais ta gratitude n'avait pas de fond. Comment aurait-elle pu, avec tout ce qu'Amara faisait pour toi ?

Tu prends une gorgée de vin, t'étonnes du goût sur ta langue. La première chose qui passe tes lèvres, depuis que tu es revenu d'en-bas. Tu en as une seconde d'absence. Le vin roule dans ta bouche, ses saveurs parfaitement équilibrées. Tu en prends une autre lampée, avant de laisser ta curiosité filer vers Amara. La collection autour de toi t'intrigue, plus que tu ne saurais le retenir désormais. « Here and there. Some are gifts, others I saved over time. » Elle te confirme que tout est à elle. Tes yeux sont incapables de se détourner des tranches usées, des statuettes anciennes. Les antiquités s'empilent à perte de vue autour de toi, et tu sens un frisson remonter le long de tes bras. Elle te parle de son métier, et tu lui jettes un regard impressionné lorsqu'elle mentionne gérer les collections du musée. Quelque chose brille, au fond de tes yeux. Les ventes aux enchères prennent tout leur sens, désormais. « I was planning to go to one tomorrow - but then I found you. » Et tu ne sais pas comment prendre ça. Une lueur d'égarement passe dans ton regard. Tu ne dis rien. À peine un demi-sourire, un peu gêné. Tu te détournes

« It's poetry. Written by an old friend of mine. » Tu ne comprends pas de quoi elle parle, avant qu'elle ne vienne tirer des étagères le livre que tu avais inspecté un peu plus tôt. Tu n'as plus de coeur pour pomper le sang, mais tu sens tout de même le traverser un brin d'excitation, teinté d'embarras. Aucun mal à regarder ses livres, tu le sais — mais ta curiosité avait tout de même été prise sur le fait. « Why this one ? What caught your eye ? » À son tour, d'être intriguée. Et tu lui dois bien une réponse, toute simple fût-elle. « The title. » Tu te souviens seulement pourquoi. La beauté de la langue était une chose, mais ce n'était pas tout. « I've seen it before. » précises-tu. « When I was a kid. My dad had a copy. But this... This is a first edition, isn't it ? » Written by a friend of hers. Une pierre dans ton estomac. La réalité de l'âge d'Amara, de sa place dans les ombres du monde, s'imprimant finalement au fond de ton esprit. Holy shit. « I've always wanted to read the book, but I didn't really understand poetry then. Already liked the title though. » Tu donnes à Amara un sourire simple. Peut-être aurais-tu la chance de rattraper toutes tes lectures manquées, maintenant que tu avais l'éternité. « Did you really know the author ? » Il y a une pointe d'humilité, dans ta voix. De fascination enfantine, que tu ne peux pas réprimer. Tu te détournes cependant, après peu. « I'm sorry. I didn't mean to go through your stuff or be nosy. » Tu n'as pas entendu de reproches, dans la voix d'Amara — mais tu craignais d'avoir un peu trop fait comme chez toi. Tu ne réalises pas ce qui, d'autre, aurait pu tant attirer sa curiosité. Ni le fait que le livre était en Arabe, ni celui que tu t'étais dirigé vers lui avant la figurine en or massif, disposée à quelques pas de là.

« The wine is really good. » admets-tu en jetant un coup d'oeil à ton verre. « Are you collecting bottles too ? » Tu lui glisses un regard entendu. Plus intrigué par elle que tu ne l'as jamais été. Tes facultés sociales revenant peu à peu, alors que l'environnement autour de toi stimulait tout ce pour quoi tu t'étais passionné, avant que la chasse ne vole tout ce que tu avais. La colère, laissée loin derrière. Tu te sentais mieux. Une bouffée d'air à la fois. Une gorgée de vin, un regard pour les livres autour de toi.
Tu serais bien, installé là.

[ @amara desai ]