we all burn to the ground /
été 2019

La pluie tombe droite et froide. Une soirée où tu aurais du rester chez toi comme prévu, profiter de cette averse comme excuse parfaite pour garder ton pyjama et regarder un film avec Micky et un bol de popcorn. Mais tu es trop agitée pour rester dans ton appartement, et tu as les pensées qui tournent trop vite pour parvenir à les arrêter. Peut-être que ce n'est pas une bonne idée - mais tu n'as pas envie d'être raisonnable et patiente, cette fois. Ta nature qui te pousse à enfiler ton imperméable, à éviter le regard un peu désapprobateur de Micky et sortir dans la noirceur sous la pluie. Il ne fait pas froid, de toute façon - les températures de juin restent douce. Alors tu embarques dans ta voiture, tu claques la porte et tu prends la direction de l'immeuble de Janek.

Ça suffit.
Toi et lui, vous devez parler.

Des semaines que vous êtes distants, à ne pas savoir vous regarder en face. Des milliers de raison pour vous garder séparés. Tu n'en peux plus de cet estomac tordu qui te suit partout quand tu penses à lui, à ces déceptions de ne pas être à ses côtés, à le savoir trop occupé pour passer du temps avec toi. Tu sais que tout est compliqué pour lui aussi - que Blair a vécu l'enfer, et qu'il veut être là pour elle. Loin de toi l'idée de contester ça. Mais toi aussi, tu as besoin de ton petit ami. Et depuis ce soir-là, où les poings avaient fusés dans ce bar loin de Blackwater Falls, plus rien n'était pareil. Comme si la violence avait creusé quelque chose entre vous, un gouffre brumeux que tu n'arrivais plus à traverser. Et ce dimanche, vous deviez vous voir. Passer la journée tous les deux, profiter de la tranquillité. Sauf que Janek s'est désisté. Encore. Tu l'as laissé prendre soin de Blair, mais quand le soleil s'est couché, t'as décidé d'aller le voir. Le confronter. Lui parler, comme vous aviez pas pu faire depuis des semaines. Tu as l'estomac noué et la gorge sèche, mais tu es confiante que c'est la chose à faire. Tu as besoin d'avoir des réponses, de savoir où te tenir. Et que y'a si tu vois Janek en face que tu sauras les obtenir. Vous étiez comme ça - vous méritiez une véritable conversation. Après tout ce qu'on a traversé, on se le doit bien, tu crois pas ?

Tu gares la voiture et tu montes jusqu'à la porte de son appartement. Détrempée des quelques secondes passée dehors, tu cognes discrètement mais fermement. Tu attends un peu, et quand la porte s'ouvre, tu relèves des grands yeux vers Janek. « Sorry to burst in. » Que tu lâches. L'appartement semble tranquille, derrière lui. « We need to talk. » Tu gardes tes yeux dans les siens, sentant ton coeur brûler.
I need you, Janek.
But I can't keep doing this.

( @janek blomqvist )

[ été 2019 / we'll burn to the ground ☽☽ ]

Blair n’allait pas bien. Journée pluvieuse, qui lui avait mis le moral dans les chaussettes — et Janek s’était inquiété. Préférant rester à ses côtés, tenter de lui changer les idées. Lui redonner un sourire dont il estimait la disparition première entièrement de sa responsabilité. Regarde ce que tu lui as fait. Le démon était le coupable, mais quand bien même on avait tenté de l’en persuader, le Blomqvist était incapable de décoller du fond de ses pensées l’idée qu’il avait attiré le malheur sur elle en premier lieu. C’était le prix de s’attacher.
T’aurais dû y penser.
T’aurais dû continuer à vivre sur les routes, et ne jamais t’arrêter.

T’as cru avoir droit à une vie normale, et vois où ça t’a mené.

Il avait des plans avec Maya mais, dans son souci, les avait annulés sans une seconde pensée. Une erreur qu’il ne comprenait pas encore — pas plus que toutes celles qu’il avait commises, dans les derniers mois. Distance prise peu à peu, depuis qu’ils étaient retombés sur le bourreau de la petite Torres au détour d’une chasse. La violence était raison d’une honte, pour l’exorciste — et depuis, il ne regardait Maya qu’à demi-yeux. Lui souriait, l’embrassait. À l’occasion, les tracas s’oubliaient, et il était capable de se perdre dans ses bras et ses baisers. De retrouver le coeur de leur relation, et de cette énergie qui les avait toujours unis. Mais il y avait eu Blair. La possession, la disparition. Les problèmes par-dessus les bras. Le passage à tabac. Plus. Toujours plus. Et l’inquiétude, désormais.
La peur que Blair ne se remette jamais sur pied.

Trop. C’était trop. Pour Maya, pour lui, pour la relation qu’ils avaient bâtie. Le silence les avait préservés pendant un temps — du moins l’avait-il cru. Mais il ne faisait que les séparer, désormais. Incapables de se retrouver à mi-chemin. Incapables de parler de tout ce qui était arrivés. Trop occupés à s’inquiéter l’un pour l’autre, et à mettre de côté les sentiments mitigés qu’ils traversaient. Voilà que venait l’heure de payer.

Il est tiré de ses pensées par les coups à la porte. Blair s’était apaisée un peu plus tôt, et avait fini par s’endormir. Il s’était posé dans le canapé, une bière dans la main. Ignorant l’imprudence d’avoir acheté une caisse, comme il l’avait fait. Oubliant les grincements de sa peau, à chaque pensée qui le ramenait à sa consommation passée. Tout va bien. Tu vas t’en tirer.
Il aurait dû appeler Maya. Aurait dû profiter du sommeil de Blair pour l’inviter, ou pour aller la voir. Pour prendre le temps de s’occuper d’elle. Mais la pensée avait lézardé au fond de son esprit sans s’installer.

Il se lève, péniblement. Sourcils froncés. Trop détaché de toute la situation, sûrement. Quand il ouvre la porte et qu’il tombe sur les traits de Maya, une part de lui ne s’en étonne pas. L’autre lui fait froncer les sourcils. « Sorry to burst in. » « No problem. » Il se décale pour la laisser entrer. Sachant que Blair dormait assez profondément pour ne pas être réveillé par le débit plutôt bas qu’ils avaient l’habitude de garder, ces derniers mois. Dis-moi, Janek,
Où sont passés vos cris ?
Vos éclats de voix ?
Votre excitation, et votre indomptable joie ?

« We need to talk. » Il fait la moue. Essaie de comprendre de quoi il s’agit. Retourne vers le canapé, vers sa bière. Se souvient, soudainement. La rencontre manquée.
Et merde.
Est-ce que Lori l’avait appelée ?
« Listen, it was just one meeting. » Ne s’imaginant pas, pour une seule seconde, que Maya pouvait parler d’autre chose que de ça. Qu’elle n’était peut-être même pas au courant de son absentéisme un peu trop fréquent, ces derniers temps. « Or two, I don’t know. » Il soupire. Prend la télécommande pour couper le son de la télé, en poursuivant. « It’s ok. I’m ok. I don’t need to go. » Mais c’est sérieux, Janek. Les NA l’avaient trop aidés pour qu’il puisse se permettre de les repousser. Surtout maintenant que l’instabilité revenait se glisser sous sa peau, dangereusement. T’es pas assez équilibré pour les rejeter.

Ses yeux se reposent sur Maya. La scrutent, un instant. Moue froncée, sourire amer, quand il réalise finalement. « … Right. » Right. « This is not what you wanted to talk about. » And you didn’t know.

I screwed it, didn’t I ?
Sold myself like a total idiot.

But I’ll be fine, Maya.
As long as you’re here, I’ll be fine.

[ @maya torres ]

we all burn to the ground /
été 2019

La vérité, c'était que tu ne savais pas à quoi t'attendre. Aller voir Janek sans prévenir, débarquer trop tard le soir, et vouloir parler - tu ne sais pas le moindrement ce que ça va donner. Et peut-être que c'est ça qui te remonte le plus, c'est de ne pas savoir. Comme si tu ne faisais plus partie de sa vie, à constamment te demander ce qu'il faisait, s'il aurait besoin de toi, avec qui il passait du temps. Tu savais qu'il s'occupait de Blair, et pour ça, tu ne pourrais jamais lui en vouloir. Et pourtant l'amertume restait dans ta gorge. Car ton aide, il ne l'avait jamais demandée - même pas au moment le plus crucial. Tu avais été laissée derrière, comme une faiblesse à éviter, et tu n'étais plus prévenue de rien. Tu étais dans l'ignorance totale, et on dirait que tu ne savais plus à qui tu aurais affaire. Comme si Janek était redevenu un étranger - un peu hors d'atteinte, et à la fois, t'appartenant encore un peu. Dans cet équilibre précaire, tu ne savais pas où te placer. Pas le moindrement.

Quand tu ouvres la porte, il semble à peine surpris de te voir là. Comme s'il savait que ce moment viendrait - où tu perdrais patience et viendrait demander tes réponses. Ça faisait partie de toi. Alors il te dit qu'il n'y a aucun problème, et t'invite à rentrer. Tu n'avances pas trop loin dans l'appartement, te doutant que Blair dormait dans sa chambre, et tu restes debout, jouant nerveusement avec tes mains. Il te rend longuement ton regard, et tu ne frémis pas. On se le doit, tu crois pas ? Mais sa réponse te prend au dépourvu. « Listen, it was just one meeting. » Tu le dévisages, fronçant des sourcils. What ? « Or two, I don’t know. It’s ok. I’m ok. I don’t need to go. » Tu ne le remarques même pas couper le son de télé, tellement tu es sonnée. Abasourdie par ces aveux que tu n'avais pas demandé. Tu te fous de ma gueule ?
En plus, tu ne vas plus aux NA ?

Estomaquée, tu ne peux que le dévisager. « ... Right. This is not what you wanted to talk about. » Tu lâches un rire mauvais, croisant les bras avec détermination. Un éclair passe dans tes yeux - tu n'en reviens pas. « No, it wasn't. Definitely wasn't. But now we are going to talk about it. » Ta voix claque dans l'appartement, et tu te fais violence pour ne pas trop la hausser, mais c'est plus fort que toi. Ça devient hachuré, ton coeur qui bats rapidement. « Are you telling me you're not going to your meetings ? What the fuck, Janek ?! » Ça siffle dans ta voix, alors que tu lèves les bras, exaspérée. « What are you doing right now ?! You're... » Tu fermes les paupières, et tu tentes de prendre une grande inspiration. Tu ne peux pas crier. Tu dois rester calme. Mais ça vient te chercher si profondément que tu en trembles. « I know this situation is difficult, and I know you want to be there for Blair, but you have to go to your meetings. This is non-negociable. Bring her if you need to, I don't care. » Tu croises les bras à nouveau, lâchant un long soupir. « Is that why you're not calling me anymore ? » Que tu te demandes, la voix un peu plus profonde. Le regard plus ferme, alors que tu viens affronter son regard. « Why you're so distant ? Because I don't understand what's happening. We used to be... » Tu n'as pas les mots.
Everything.
We used to be everything.

« And now I'm just a fucking stranger. » Ta voix est plus aigrie que tu ne l'aurais voulu. Mais tu accumules les déceptions et la frustration. Tu ne sais plus quoi en faire - tu ne sais plus qui tu es, dans ta relation avec lui. Ta vie, changée. Toi, oubliée. So tell me, Janek.
What are we becoming ?

( @janek blomqvist )

[ été 2019 / we'll burn to the ground ☽☽ ]

« No, it wasn't. Definitely wasn't. But now we are going to talk about it. » Il sait qu'il aurait mieux fait de se taire. Si Maya avait encore des intentions apaisées au moment d'entrer, ce n'était plus le cas désormais. T'aurais dû la fermer.
Ou mieux, encore.
Aller aux putains de NA.

« Are you telling me you're not going to your meetings ? What the fuck, Janek ?! » Il en soupire. Les paupières lourdes se ferment un moment, alors qu'il accuse le coup des premiers éclats de voix. Frisson le long de l'échine, à la peur que Blair se réveille. On pourrait pas faire ça ailleurs ? « What are you doing right now ?! You're... » Il rouvre les yeux, les plante dans ceux de Maya. What ?

I'm what ?

« I know this situation is difficult, and I know you want to be there for Blair, but you have to go to your meetings. This is non-negociable. Bring her if you need to, I don't care. » Il en lève les yeux au ciel. Réaction insolente et agacée, pour l'âme qui savait pourtant pertinemment que Maya avait raison sur ce point-là. Tu peux pas te passer des NA.
Pas avec tout ce qui t'arrive en ce moment.
La sensation sous la peau, l'envie d'y planter l'aiguille, de souffler, d'oublier les derniers mois et de voguer au gré d'un esprit embrumé. Ça lui avait traversé l'esprit, plus d'une fois — mais il ne s'était pas senti capable d'en parler à Maya. La honte collée au fond du ventre, et la peur qu'elle découvre son absentéisme aux NA. Mais on récolte ce que l'on a semé. Il s'en sent la langue plus lourde encore. La dispute fait rejaillir le besoin de le lui dire, de purger les mauvais sentiments. Expulser les idées nécrotiques, s'éviter d'y retomber.
Mais à ainsi sentir l'agressivité qu'il avait méritée, il n'a qu'encore plus envie de sombrer.

« Is that why you're not calling me anymore ? » Ses yeux retrouvent ceux de Maya. La douleur sourde, au fond de l'estomac. « What ? » À ne pas s'en être rendu compte du laisser-aller. Des silences injustifiés. Regarde ce que tu lui fais. « Why you're so distant ? Because I don't understand what's happening. We used to be... » We still are.
We are.
What are you talking about ?
« And now I'm just a fucking stranger. »

De la gorge, le poids lui descend dans l'estomac. Brutal, sans pitié. Heure des comptes à régler. Et alors que les derniers mois passent en accéléré dans ses pensées, il comprend pourquoi. Sait le mériter. Oh, Maya. « ... Let's take this outside. » C'est aussi amer qu'inquiet. Ne pas vouloir qu'elle explose davantage au milieu de l'appartement. Il ne lui laisse pas le choix. Enfile sa veste, en oublie ses chaussures. Les clés attrapées, la porte qu'il lui tient. Et il verrouille derrière lui avant de prendre l'inspiration nécessaire à lui répondre. Mains enfoncées dans ses poches. Le regard fuyant celui de Maya. Oh, what did I do ? « Look, I'm sorry about the meeting. I just... » Ne lui dis pas. Ne lui dis pas, Janek. Tu ne feras que la blesser. « ... I'll go to next week. I promise. » Murmure perdu sur le pallier. Ignorant les voisins potentiels, qui pourraient désormais profiter de la dispute autant que Blair l'aurait pu. On ira dehors s'il le faut. Sous la pluie. J'm'en fous. « But you're not a stranger. C'mon. What are you talking about ? » Et il en a le regard criant de sincérité. La peur d'être devenu l'étranger dont Maya parlait. Parfaitement conscient de son inquiétude contagieuse, qui l'avait poussé à repenser tous ses liens. C'est un appel à l'aide, plus qu'un désintérêt.
Mais comment te l'expliquer ?
« Where did you get that idea, huh ? » C'est une supplication, mêlée à un étrange besoin de s'en convaincre. De ramener les choses au calme, et de laisser couler. Fuir le conflit. L'enterrer. « I'm still calling you. I'm still worried sick about you ! » Mais moins qu'avant. Tu le sais, Janek. Inutile de jouer l'innocent. « Nothing changed, May. » Oh, but she's right, you know. You changed.
Things changed.

Everything changed.

[ @maya torres ]

we all burn to the ground /
été 2019

Tu ne sais pas ce qui t'énerve le plus - le fait que Janek ait commencé à s'absenter de ses rencontres des NA, ou le fait qu'il lève les yeux quand tu lui parles. Tu ne comprends plus rien à ce qui vous arrive. Vous arriviez si bien à communiquer, tu lui avais avoué des trucs si personnels même en vous connaissant à peine, et voilà que maintenant il n'y avait plus rien. Tout avait dérapé, sans avertissement, et avec des lourdes conséquences, tellement que tu ne savais plus quoi en penser. Ça te tirait le coeur dans tous les sens, et tu avais mal, atrocement mal, parce que Janek faisait partie de toi et tu ne te voyais pas vraiment sans lui. Et pourtant, tu l'étais. Depuis des semaines, tu étais seule, parvenant à attraper un appel ou une rencontre de temps en temps comme si vous étiez des vieux amis en train de se perdre de vue. Ton coeur battait encore pour lui, et si fort. How did we get here ? And where are we going ?

Tu laisses tout couler, la gorge serrée, tentant très fort de ne pas pleurer. Heureusement, tu es trop en colère pour ça - trop remontée, trop secouée. Alors tu le regardes, lui qui semble tellement ébahi, et tu en arrives presque à te demander si tu te fais des films. Mais ce que tu ressens, c'est loin d'être faux - et les faits sont là. As-tu seulement pensé à moi ?

« .. Let's take this outside. » Tu le dévisages, éberluée, alors qu'il enfile ses chaussures et sa veste. Tu sais qu'il ne veut sûrement pas réveiller Blair, mais il te fait sentir comme si tu étais une intruse, encore, une indésirable, encore. Alors tu serres la mâchoire mais tu n'insistes pas, et tu le suis dans le couloir. Les bras croisés, tu le regardes, attendant sa réponse. Le silence est pesant. « Look, I'm sorry about the meeting. I just... » Tu serres les dents. Tu ne voulais pas entendre ses excuses. « ... I'll go to next week. I promise. » Tu aurais envie de continuer de lui passer un savon, que c'était hors de question qu'il se laisse aller, que tu ne pourrais pas revivre ce qui était arrivé l'été dernier - mais tu restes silencieuse, le coeur  meurtri. « But you're not a stranger. C'mon. What are you talking about ? » Tu as presque envie de rire. « Where did you get that idea, huh ? » Tu le dévisages, alors qu'il semble sincèrement confus. T'es tombé sur la tête ou quoi ? « I'm still calling you. I'm still worried sick about you ! Nothing changed, May. » Tu as l'impression qu'on te martèle la tête avec un marteau piqueur. Tu le regardes, les yeux exorbités, complètement dépassée. Tu le penses réellement, ou est-ce que tu as juste trop la tête dans le sable ?
Par moi j'y arrive plus, tu sais.
J'en peux plus, de tout ça.

« Are you fucking kidding me ? » Que tu siffles entre tes dents, résistant à la tentation de lui hurler à la figure. Tu es seulement trop consciente de votre environnement, des voisins, de Blair qui dors pas si loin. « Everything changed. Everything ! » Ta voix se casse légèrement, et tu sens ta gorge se serrer. « You don't call me, I call you. You stand me up constantly. When's the last time we spent a night together, huh ? One where it was just the both of us ? » Tu sens que les larmes ne sont pas loin mais tu les retiens. Tu as trop à dire, trop à avouer. Tu as peur, aussi. Terriblement peur. « It's like I'm trying to reach you but you keep running away ! And I get that you want to take care of your friend but I feel like you're forgetting me ! Or that you don't want me there ! » Tu renifles doucement, croisant les bras devant ta poitrine. « I never see you. I just feel like... I can't talk to you anymore. Not like I used to. » Tu le regardes, les yeux brumeux. « I know you feel it too. Something's wrong. » Tu secoues la tête. « Don't lie to me, and don't pretend you don't know what I'm talking about, please. » Le silence tombe si lourd sur tes épaules. Tu ne veux pas être là. Mais vous l'êtes. « Tell me the truth. » Que tu lâches, la voix tremblante. « Do you want me to leave you alone ? » Tu te tiens à distance. Un mètre entre vous, comme le gouffre qui vous sépare.
Tu ne sais même pas ce que tu dis.
Tu ne saurais pas où commencer.
Tu es perdue, et Janek n'est plus là pour te tenir la main.

( @janek blomqvist )

[ été 2019 / we'll burn to the ground ☽☽ ]

Il a tout foiré, et il le sait. Le voit dans les yeux de Maya, le sent dans sa posture. Elle se tient plus loin qu'elle ne le devrait. N'est pas dans ses bras, au fond du canapé. Il a beau tenter de se convaincre du contraire, la vérité lui saute aux yeux. Le silence qu'elle maintient, à mesure qu'il avance, ne fait que le lui prouver. Il a tout foiré.

« Are you fucking kidding me ? » Il n'y a plus rien à faire pour l'empêcher. Les nuages se sont amoncelés au-dessus de sa tête, il les a provoqués, et voilà que la tempête se déchainait. Deux petits yeux noirs pour le foudroyer, avec toute la raison du monde. « Everything changed. Everything ! » Ça lui sert la gorge. Il a envie de l'arrêter, de la repousser, de lui dire que ce n'est pas le moment, mais peut-être que ça l'est. Peut-être que le supplice n'a que trop duré. « You don't call me, I call you. You stand me up constantly. When's the last time we spent a night together, huh ? One where it was just the both of us ? » Trop longtemps. Et il sait que c'est pareil pour le sexe. Se souvient à peine de la dernière fois, eux qui étaient si fusionnels auparavant.
Qu'est-ce que t'as foutu, Janek ?

« It's like I'm trying to reach you but you keep running away ! And I get that you want to take care of your friend but I feel like you're forgetting me ! Or that you don't want me there ! » Elle renifle, et il baisse les yeux. Se masse le front, un instant. « Oh come on, now... » Ça n'a rien à voir, et il voudrait prendre le temps de le lui exprimer. Le besoin de l'avoir à ses côtés. L'envie toujours présente. Mais au fond de son coeur, la culpabilité de tout ce qui était arrivé à Blair l'écrasait. Pour la première fois, il était incapable de la gérer. Maya a raison.
Ça doit changer.
« I never see you. I just feel like... I can't talk to you anymore. Not like I used to. » « Stop saying that... » « I know you feel it too. Something's wrong. » I am. I'm wrong. Why don't you say it ? La défensive s'installe, alors qu'il ne sait plus derrière quelles émotions se camper. Son regard retourné sur Maya, plus noir, plus profond. Ç'a commencé bien avant Blair.
Ç'a commencé quand on a revu le type, et que je l'ai massacré.
Je t'ai fait peur.
Et tout a changé.

« Don't lie to me, and don't pretend you don't know what I'm talking about, please. » Il en soupire. Le regard qui se détourne, les commissures des lèvres tombant. La douleur au coeur, l'envie d'exploser, de hurler, de laisser les émotions négatives couler. De filer dans le coin de rue le plus crasseux de Blackwater Falls, de s'acheter une poignée de pilules, et de s'oublier dans la nuit. Ressaisis-toi, Janek. Ressaisis-toi.
Tu peux pas perdre Maya.
« Tell me the truth. Do you want me to leave you alone ? » Ça lui coupe le souffle. Les yeux qui retombent sur Maya. Les dents serrées, la mâchoire saillante de la colère et du désespoir que ses prunelles peinent à laisser voir. « Why would I want that ? » C'est sec. C'est sincère. C'est craché du fond du coeur — et il ne sait pas s'il pourra s'arrêter. « Do you even want me to stay ? » Il s'approche légèrement. Tend le coup, pour pouvoir entretenir la confidence. Lui parler plus bas. « I know I've been distant lately. I'm sorry. It's not you, ok ? » Les émotions lui font trembler la voix. Oscillant entre le désespoir et les accusations qu'il ne parvient que difficilement à ravaler. What did I do to you ? « I feel like shit about what happened. It's my fault. My fuckin' fault. She opened herself to me, and my shit almost killed her. » Sounds familiar ? « Exactly like you, except... Except she can't handle it on her own. » And it was worse. So fuckin' worse. Et ça fait mal. Chaque seconde. Chaque minute, à y penser. À se souvenir que ses conneries avaient failli coûter la vie de Maya, et celle de Blair désormais.

« You want to know what changed ? » Soudain, ça sort. La voix qu'il ne peut plus garder basse. Les voisins qu'il a oubliés. Blair, dans l'appartement, aussi. « You can't look at me anymore. You want to be here, you want to be with me, you tell me I'm rejecting you, but you can't even look at me ! » Ça se mue en désespoir, en cri, pourquoi on se fait ça ? « I don't get it ! I know what happened. I was here for you, remember ? And I don't regret it a bit. You're the best fuckin' thing that ever happened to me. » Et il en pense chaque mot. Au milieu de l'horreur, des années à accepter le triste destin que la vie lui avait réservé, tout avait changé. Maya avait apporté la lumière, et jamais il ne l'aurait regretté. « But then, you saw that guy again. And... I get it. It was hard. So hard. But I... I would've killed him for you. I would've killed him. » Le ton a baissé. La confidence revenue. La voix tremblante de désespoir, de rage, du besoin de ne pas la perdre. De savoir la vérité. Did I scare you ? « You can't even look at me anymore. » Incapable de continuer, il revient aux répétitions brisées. « Is it because I scared you ? » La pire des idées. Lui foutant des fourmis le long de l'échine, et dans tous les membres. Will I lose you because of what I am ?
Because of what they made me into ?

Is it too late ?

Did I already lose you ?

[ @maya torres ]

we all burn to the ground /
été 2019

Tu as l'impression que tout s'effondre entre tes mains. Et contre tes doigts, ce n'est déjà que de la poussière - rien que tu parviens à rattraper, rien que tu pourrais reconstruire. Comme si tout était déjà fini, que ça ne tenait qu'à un rien, et que maintenant, ça terminait de se détruire. Tu ne veux pas y croire. Tu es une guerrière - et tu sais que Janek aussi. Vous n'êtes pas du genre à baisser les bras, à pâlir devant les conflits, ou à fuir l'adversité. Et pourtant, vous en étiez là - à ne plus savoir vous parler, à ne plus savoir vous regarder. Ça t'arrache le coeur, ça te donne envie de faire des conneries, et tu veux continuer de croire qu'il y a quelque chose à récupérer. Parce que Janek, tu continues de l'aimer - tu ne vois pas ça s'envoler. Et s'il y a ça, vous pouvez survivre à tout. Non ?

Et pourtant, tu vois la noirceur dans son regard. Malgré ses murmures, malgré les don't say that, y'a quelque chose de vrai dans les accusations et les doutes que tu exprimes. Vous le savez tous les deux. « Why would I want that ? Do you even want me to stay ? » Ça claque, sans que le ton ne monte véritablement. Tu le regardes de tes grands yeux, le coeur en train de se tordre dans tous les sens, à ne plus savoir ce que tu veux, ce qu'il veut, ce que la vie est en train de vous faire. « Of course I do ! » Que tu murmures, la voix un peu plus plaintive. Malgré ça, tes larmes ne sont pas loin, parce que tu sens que ça va au-delà de ce que tu veux. De ce que vous voulez tous les deux. « I know I've been distant lately. I'm sorry. It's not you, ok ? I feel like shit about what happened. It's my fault. My fuckin' fault. She opened herself to me, and my shit almost killed her. » La culpabilité - un des monstres les plus horribles qui puisse exister. Tu étais désolée de ce qui était arrivée à Blair. Un véritable cauchemar, c'était certain - quelque chose que tu redoutais depuis ton enfance. Comment se relèverait-elle ? Pas toute seule, c'était certain. « Exactly like you, except... Except she can't handle it on her own. » Ça te ramène des années en arrière. Les erreurs qui avaient coûtées cher, le gouffre qui avait commencé à se creuser. Tu soutenais Blair, et tu comprenais que Janek voulait veiller sur elle - mais tu disparaissais, dans tout ça. Comme si t'étais déjà plus là. Tu baisses les yeux, ne sachant quoi répondre. À ça, tu ne pouvais rien lui blâmer.

« You want to know what changed ? » Quelque chose dans sa voix te fait relever les yeux subitement. Une hostilité, une méfiance. « You can't look at me anymore. You want to be here, you want to be with me, you tell me I'm rejecting you, but you can't even look at me ! » Tu ouvres la bouche pour riposter, mais tu sais que c'est vrai. Tu sais qu'il a raison. « I don't get it ! I know what happened. I was here for you, remember ? And I don't regret it a bit. You're the best fuckin' thing that ever happened to me. » Ça te serre la gorge. Tu as envie d'éclater en sanglots, et en même temps, tu en es incapable. Les larmes ne font que s'amasser dans tes yeux, coulant sur tes joues lamentablement. Tu les essuie de geste frustrés. « But then, you saw that guy again. And... I get it. It was hard. So hard. But I... I would've killed him for you. I would've killed him. » Tu t'en souvenais très bien. De son regard, de sa violence. Quelque chose s'était brisé, ce jour-là. « You can't even look at me anymore. Is it because I scared you ? » Tu renifles un peu. L'impression de suffoquer, dans ce couloir, dans cette conversation. Tu es venue chercher la confrontation. Il était temps qu'elle vienne - mais à présent, tu n'as jamais eu autant envie de reculer. « I... »

Tu fermes les paupières, et tu inspires profondément. Janek mérite la vérité. « I don't know. Maybe, yeah. » Tu veux lui admettre - que le frisson t'avait parcouru, et que pendant un court instant, tu avais été effrayée. « But I'm not scared of you. » Tu le dis avec détermination, en secouant la tête. « You showed a darker side of you, and that's ok. I have one too. We all do. I just... » Tu inspires profondément, en essayant de trouver les mots. « I don't know what happened, Janek. I don't. But it's like... something broke. » Tu renifles un peu, essuyant une larme qui glisse le long de ta joue. « And since then, maybe I can't look at you, but you can't look at me either. It's like you're... ashamed. Like you think I'm judging you, like me being there reminds you of something you want to forget. » Tu hausses les épaules. « And you're avoiding me. You are. » C'était la vérité - et pourtant tu ne lui en voulais pas vraiment. Ça te frappait, juste là. « And maybe I am too. Cause when I look at you... »

Ta voix tremble un peu, et tu prends une inspiration pour essayer de te rencentrer. « When I look at you, I think about him. And I can't stand that. I want to burn him out of my head, and I can't. » Tu ne peux pas t'arrêter de pleurer. Comme si un vide se creusait de plus en plus dans ta poitrine. « And you need to be there for Blair. She needs you. » Tu le dis la voix brisée, le coeur aussi. « Right now she needs you more than I do. Don't... don't blame yourself. Whatever happened, you are the best person to help her right now. » Tu ne sais plus ce que tu dis. Tu ne sais plus à quoi penser. Ton esprit est embrumé, ton coeur dévasté. Tu l'observes, te concentrant sur ses traits. Ce sourire qui n'est pas là, mais que tu peux imaginer sans peine. « I love you. I do. But we're hurting each other. » Ta lèvre tremble, doucement. « And I don't want to hurt you. » This can't go on.
You know that.
Whatever is happening, it can't go on.
I love you.
But maybe we need to let go.

( @janek blomqvist )

[ été 2019 / we'll burn to the ground ☽☽ ]

« I... » Ça commence mal. L'estomac au fond des talons. La vue de Maya n'arrange rien. Il a l'impression de la sentir reculer, bien qu'elle choisisse de ne pas bouger. L'impression d'un peu plus la perdre, à chaque seconde qui s'écoulait.
Please, don't say it.
Please.
« I don't know. Maybe, yeah. » C'est un coup plus dur encore qu'il n'aurait pu l'imaginer. Un pas lent vers l'arrière, qu'il ne se sent pas amorcer. Mais son corps réagit là où son esprit s'est arrêté. Au choc, à la haine de lui-même. À la vérité de ce que le monde avait fait de lui. Soldat, arme.
T'étais pas fait pour devenir humain.
Pas fait pour aimer.

Pourquoi t'as cru que t'y arriverais ?

Parce qu'avec Maya, dans ses yeux, au creux de ses bras, tout avait changé. Qu'elle n'avait pas posé de questions, et qu'elle s'était contenté d'accepter exactement ce que la vie lui avait donné. Un inconnu, ses sourires et sa joie de vivre. Sa protection, ses enseignements. Sa compagnie. Le plaisir d'être à ses côtés. Où est-il passé ? « But I'm not scared of you. » Elle en a l'air si sûr, maintenant que la réflexion est passée, qu'il sent une vague d'espoir et de paix le traverser. Peut-être que tout n'était pas perdu, après tout. Peut-être que vous pouviez encore être sauvés. « You showed a darker side of you, and that's ok. I have one too. We all do. I just... » Il ne comprend pas. Accroché à ses lèvres, à ne pas savoir les mots qui viennent. À ignorer s'il doit les redouter. Le coeur suspendu au-dessus du vide. L'horreur au fond des yeux, qui s'éteignent peu à peu. Dans un faible réflexe de se protéger. Mais ce ne sera pas suffisant, et il le sait. « I don't know what happened, Janek. I don't. But it's like... something broke. » Le choix des mots est assassin. Il essaie de le balayer. S'accroche aux yeux de Maya comme à sa dernière bouée. « And since then, maybe I can't look at you, but you can't look at me either. It's like you're... ashamed. Like you think I'm judging you, like me being there reminds you of something you want to forget. » Elle en a des larmes qui lui perlent au coin des yeux, et il sent son coeur se briser. La peur projetée sur Maya, déformée.

Est-ce que tu lui as vraiment fait subir ça ?

« But it doesn't. » Ta réponse est assez prompte, sur ce point. Tu veux te défendre davantage, mais les mots te manqunt — et Maya n'a pas fini. « And you're avoiding me. You are. And maybe I am too. Cause when I look at you... » Ça tremble, dans la voix de Maya. Ça le fait trembler au fond de lui. Il n'ose plus souffler un mot. La regarde sans flancher, prêt à accuser le prochain coup qui, il le sait, ne pardonnera pas. When you look at me, what do you see ? « When I look at you, I think about him. And I can't stand that. I want to burn him out of my head, and I can't. » Le monde fond. Flou, dans les yeux de Maya. Dans son propre regard, qu'il détourne. Dans la pluie qui bat son plein sur le toit, et sur les vitres de tout l'immeuble. Elle continue de parler, mais une part de lui ne l'entend plus. Le monde noyé dans la peine et le coeur brisé. Dans l'impression d'avoir, une fois de plus, tout gâché. Brouillard d'émotion, enveloppé par la douleur et l'envie de hurler. What are we doing to each other ?

« I love you. I do. But we're hurting each other. » Il refuse de l'écouter. Refuse d'en entendre davantage. Please don't say it.
We're not. We can fix this.
« And I don't want to hurt you. » La flèche est tirée en plein coeur. Il relève vers elle deux yeux perdus. La poitrine gonflée de souffrance et de terreur, alors que la situation s'étire dans une seule direction. « ... Are you breaking up with me ? » Il n'est rien d'autre qu'il réussit à articuler. La voix basse, le murmure figé dans la peur. Maya au fond de son être. Maya qu'il ne veut pas perdre. Maya qui représente tout, Maya qui lui a tout donné,
Maya qui l'a sauvé,
Maya avec qui il pensait être à jamais,

Maya qui était en train de le quitter.
Don't.
Please, don't.

« Come on. This is stupid. We... We can fix this. » Les mots empêtrés les uns dans les autres. Dans le rire nerveux qui secoue sa gorge. À tenter d'oublier les affreux aveux. When she looks at you, she thinks about him. « Don't do this. » Le refus d'y penser. Refus d'imaginer qu'il pourrait la perdre. Mais tu le sais, Janek : le mal est déjà fait. Ses yeux se noient dans ceux de Maya. Sa poitrine soulevée à trop rapide allure par son souffle erratique. Son désespoir de voir ainsi la conversation filer. « You're not hurting me. » Les phrases tentent de se rattraper. De pousser contre le fond pour remonter. Mais alors que les sons passent ses lèvres, il se rend compte de la seule vérité qui, au bout du compte, avait de l'importance dans la situation.
De la réalité.

« ... But I'm hurting you. » That's what this is all about. Il baisse le nez. Un nouveau pas en arrière. La moue tombée, les yeux fouillants le vide à la recherche d'une solution qui n'existait pas. Incapable de regarder Maya. Le coeur plein de ses regards brillants et de ses sourires éclatants. À essayer de se souvenir de la dernière fois qu'il l'avait entendue rire. Qu'ils s'étaient étendus pour regarder le ciel, manger des confiseries, fumer des clopes et boire des bières sans se soucier de quoi que ce soit. Quelques mois ?

« I don't want to. » La seule chose dont il est certain, désormais. I want to hear you laugh. I want to see you shine. I want to feel your happiness inside my bones like I used to. « ... I really don't. » So maybe it's better this way. Maybe you're right. « And I certainly don't want to remind you of the worst moment of your life. » 'Cause it was, wasn't it ? Il amorce un nouveau pas en arrière. Le nez baissé pour une seconde, avant de reporter ses yeux sur Maya. Attiré à ses traits comme si c'était la dernière fois qu'il allait les voir. Please don't let be it.
But if it is, I'll take it.
I'll leave you be.
You won't ever see me again.
You won't have to remember that night. Not because of me.

« I'm sorry, May. » Et il ne sait s'il s'excuse pour les mots passés, ou pour ce qu'il lui a fait subir. Pour ce qui s'apprête à leur arriver, ou pour les coeurs en train de se briser.
Ses yeux plongés dans les siens, alors qu'il voudrait tendre les doigts. Effleurer ses cheveux. Sa joue. La toucher, une dernière fois. Un souffle, un baiser. Une étreinte, ou une banale caresse. Qu'importe.

Il ne réclame pourtant pas. L'humilité faisant ployer son échine battue par les coups. La réalité acceptée. Tu la fais souffrir plus que tu ne le devrais.
Un jour ou l'autre, ça doit se terminer.

Tu dois la protéger.
Du mal.
De tout.

D'elle, s'il le faut.

Et de toi, surtout.

[ @maya torres ]

we all burn to the ground /
été 2019

Qu'est-ce que tu essaie de dire, Maya ? Tu ne sais plus. Tu ne sais plus ce que tu veux, ce que tu fais là, ce qu'est ta vie. Tu as l'impression de te tenir debout au milieu des ruines, mais tu ne comprends pas d'où elles viennent, et comment tu en es arrivée là ; comme un mauvais rêve dans lequel on t'a propulsée. Tu étais heureuse, avec Janek. Qu'est-ce qui avait changé ? Tu n'en savais trop rien. Et au fond de toi, tu savais exactement quoi. Tu veux être honnête avec lui, mentir n'a jamais été ton fort, et tu aimes trop Janek pour être capable de prétendre quoi que ce soit. Tout se mélange, tout se perd, et tout ne fait que filer entre vos doigts. Vos vies des champs de bataille ; comment avais-tu pu croire que vous pourriez vraiment en sortir indemnes ? À un moment ou un autre, c'était sans doute inévitable que vos cauchemars vous rattrapent.

« ... Are you breaking up with me ? » Tu as envie de secouer la tête, de lui dire que non, jamais, jamais tu ne ferais ça. Mais les larmes sur tes joues, la douleur dans ton coeur, tout hurle le contraire. Tu ne veux pas ; mais peut-être que tu le dois. Pour vous libérer tous les deux de ce qui vous fait aussi mal. Ce n'est pas logique de rompre avec Janek, tu l'aimes de tout ton être, et pourtant, c'est ce que tu es en train de faire. Ta gorge se serre. Tu le regardes ; tu ne veux pas regarder ailleurs. « I think I am. » Que tu lâches, la voix écorchée, assez incertaine pour laisser entrer tous les doutes du monde. Et en même temps, tu es décidée. C'est ce que tu es venue faire, tu le réalises. Tu aurais juste voulu que ce soit plus facile. Que tu ne l'aimes plus, ou qu'il ne t'aime plus. Qu'il n'ait pas cette lumière que tu éteignais de plus en plus dans ses yeux à chaque mot. Que ça ne fasse pas aussi mal de le regarder. « Come on. This is stupid. We... We can fix this. Don't do this. » Tu souffles longuement, secouant la tête. Les larmes continuent de couler sur tes joues. « Janek... » Tu ne trouves pas les mots à lui dire. Ça ne peut pas finir comme ça.
Ça ne peut pas finir comme ça.

Tu trouves le courage de le regarder à nouveau, tentant de communiquer avec tes yeux. Ça te tue de le voir là, gamin si lumineux, brisé par tes mots. « ... But I'm hurting you. » Ça te fait terriblement mal de le voir ainsi. C'est plus douloureux que n'importe quel coup de poignard, n'importe quelle brûlure. « I don't want to. » Il recule. Il s'efface. Tu veux tendre la main et le rattraper. Mais c'est déjà trop tard.
Il t'a déjà échappé.

« I know that. » Que tu souffles péniblement. Tu sais bien qu'il ne voudrait jamais te faire de mal ; ce n'était pas le souci. « ... I really don't. And I certainly don't want to remind you of the worst moment of your life. » Ça te donne le vertige et la nausée d'y repenser. Tu essuie tes joues, ton coeur en milles miettes au fond de ton estomac. « I'm sorry, May. » Quelque chose te fait relever les yeux, et tu rencontres son regard sans sourciller. Tu ne sais pas si ton coeur pourra encore beaucoup en prendre, alors que tu réalises à peine ce qui est en train de se passer. Tu étais venue pour des réponses, et tu repartais avec ton coeur déchiré. « Me too. » Que tu murmures le plus simplement mais le plus sincèrement du monde. Tes yeux embués de larmes, rougis de pleurer, ta gorge sèche. « Me too. » Tu le répètes sans trop savoir pourquoi, et tu t'approches un petit peu. Relevant la main pour la déposer contre sa joue. Tu en éclaterais en sanglots. Tu as envie de revenir sur ta décision.
I love you.
I could never leave you.
We're made for each other.
It's a life with you I want.

Mais rien n'est aussi simple.
Tu le sais.
Alors tu retires ta main, lentement.
Tu la remplaces par tes lèvres, doucement, prudemment.
Un baiser sur la joue de Janek, tes yeux clos.
Ton coeur en ruines.

« I wish it could be different. I... » Tu hésites. Tu trébuches un peu. Tu t'éloignes. Tu as envie de lui dire que tu l'aimes. Mais tu en est incapable. « I wish I wasn't as broken. » Tu lâches, honteuse, baissant les yeux. « I should go... We'll wake your neighbors. Be safe, yeah ? And... and take good care of Blair. I hope she'll get better soon. » Ta voix se casse, et tu baisses la tête pour dissimuler tes larmes. « I'm sorry. » Et sans plus tarder, tu tournes les talons.

Tu t'enfuies dans le couloir, les escaliers, la nuit sombre.
Tu ne t'arrêtes pas.
Tu aimerais qu'il te rattrape.
Tu as besoin qu'il te laisse partir.

Ton coeur brisé.
Ton coeur perdu.
Ton coeur ignoré.

( @janek blomqvist )

[ été 2019 / we'll burn to the ground ☽☽ ]

Il n'y arrive pas, mais elle le fait. Ses doigts, doux et hésitants, contre sa joue. Le contact le fait frissonner, alors qu'il sait ce que scelle ce geste déchiré. It's over. Les mois passés à rire, à plaisanter. À avoir, enfin, trouvé l'harmonie que la vie lui avait toujours refusée. C'était terminé.

Maya aussi est désolée. Elle le lui a répété. Il refuse de l'accepter. Don't be.
This was never your fault.
Mais les mots ne sortent pas. Sont morts dans sa bouche quand le contact entre leurs peaux s'est fait. Et lorsqu'elle retire sa main, le répit est de trop courte durée. Les lèvres, furtives, se posent sur la joue du Blomqvist, qui ne peut que fermer les paupières pour accuser le coeur brisé. Larmes qu'il ravale, avec la même détermination que dans ses jeunes années. Ne la laisse pas te voir pleurer.
Elle ne mérite pas ça.
Elle a besoin de s'assurer qu'elle a fait le meilleur des choix.

Le baiser se termine aussi vite qu'il a commencé, et Janek rouvre les yeux. Défait par la réalité qui s'impose désormais. Tout est terminé. « I wish it could be different. I... I wish I wasn't as broken. » La voir souffrir ainsi lui est impossible. Dans les mots qui trébuchent, les larmes qui coulent sur les joues de Maya. Dans sa souffrance absolue, qu'elle a du mal à articuler, et qu'elle essaie de justifier. No, Maya.
No.
It's not you.
« It was never your fault. » parvient-il à murmurer. Le coeur en lambeau, tombé à leurs pieds. Ne reste qu'à piétiner les morceaux. « You did great. » And in the end, it was my fault. I wasn't here for you. I hurt you, again and again.
I made you leave.

Maybe it's better this way.

L'idée est pourtant difficile à accepter. Chaque seconde passant fend un peu plus la carapace qu'il s'est forgée à toute allure, et il sait que les larmes finiront par couler. Veut attendre, encore un peu, juste un peu, pour que Maya ne parte pas plus défaite et coupable qu'elle ne l'était déjà. Tu lui dois au moins ça. « I should go... We'll wake your neighbors. Be safe, yeah ? And... and take good care of Blair. I hope she'll get better soon. » Elle abrège leurs souffrances. Il acquiesce doucement à ses mots. Pas la force de répondre. Pas maintenant. « I'm sorry. » So am I.
So am I.

Il voudrait la laisser filer sans rien lui infliger d'autre. Mais alors qu'elle tourne les talons et s'éloigne, les deux mots lui échappent. « It's ok. Be safe. » Promise me you'll at least take care of yourself.

Le monde tourné vers elle, pour ne pas avoir à affronter la solitude écrasante qui vient de lui arriver. Une vérité brutale, que les jours suivants ne manqueraient pas de lui rappeler. It's over.

The best time of your life is over.

But it's ok.
It's better this way.

Better for her.

And she's all that matters.

( r p   t e r m i n é )

[ @maya torres ]