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[ novembre 2019 / these dreams i have of you ain't real enough☽☽ ]
« Thanks. You can keep the change. » Le chauffeur de taxi lui sourit dans le rétroviseur. Un petit geste de remerciement, et il le laisse sortir de l'habitacle. Tirer ses deux larges sacs du coffre, et franchir la distance qui le séparait de la porte d'entrée. Enfin rentré.
La fin d'après-midi était grise, et la bruine était tombée durant la quasi totalité du trajet d'autobus. Celui-ci avait fait le chemin entre Bozeman et Red Pines avec sa lenteur habituelle, mais le Hosseini ne s'en était pas trouvé gêné. Profitant du roulis du véhicule et du silence des autres passagers pour fermer les yeux, et récupérer du reste du trajet. Les vols et les transports s'étaient enchaînés dans les deux derniers jours. Le périple touchait cependant à sa fin — et Sarwan soupira de soulagement en faisant quelques pas dans le vestibule.
La porte était à peine refermée que, déjà, les aboiements de Buddy se faisaient entendre depuis le bureau. Darcy n'était pas encore là. Probablement au salon pour les deux prochaines heures, en espérant qu'elle n'étire pas. Surprise qu'il ne voulait pas gâcher, en dépit de l'impatience de la retrouver.
Les sacs furent abandonnés dans l'entrée et, quelques secondes plus tard, Buddy était libéré. Sautant au visage de son maître avec un jappement surexcité, incapable de contenir la joie de le retrouver. La tension de le voir là, après tous ces mois. « Hey you. » Il en a le rire aux lèvres, les caresses qui ne s'arrêtent pas. Assis contre le mur le plus proche, à sentir la chaleur du chien irradier dans son organisme entier. Buddy se calme, Sarwan aussi, mais aucun ne bouge. L'homme assis au sol, à regarder la maison aux quelques lumières allumées. La vie que Darcy y avait installée. Et l'animal, étendu de tout son long sur ses pieds, ses grands yeux vrillés sur le visage qu'il n'avait pas oublié. I'm back, Buddy. Hope you took good care of D.
Il avait près d'une semaine d'avance. Permission avancée, après avoir au préalable été repoussée d'un large mois. Il avait profité de ne l'apprendre qu'une journée avant son départ pour garder la surprise. Darcy n'était pas au courant, et pensait encore devoir le retrouver à l'aéroport de Bozeman, le samedi suivant. Trois jours après ton anniversaire. Et te voilà, juste là. Deux jours avant le sien.
La vie fait bien les choses.
« C'mon boy. » Il se relève finalement, après quelques minutes à retomber. Ramène ses sacs dans sa chambre, défait ses bagages, ouvre son téléphone trop souvent. L'envie d'écrire à Darcy, de lui dire, tu peux pas rentrer plus tôt ce soir ? De lui faire comprendre qu'il était là, qu'elle pourrait l'embrasser en arrivant. Que l'attente était terminée. Il résiste, pourtant. Soupirs après soupirs, finit par abandonner son téléphone au rez-de-chaussée et monter prendre une douche — sous l'oeil alerte de Buddy, posté en bas des escaliers. L'eau chaude lui délia la nuque, mais la fatigue n'en remonta que plus farouchement. Les paupières lourdes, les muscles ankylosés. Le voyage, additionné aux six mois passés en mission, l'avait éreinté. Et alors que la pression retombait, l'épuisement semblait enfin se manifester.
La douche est suivie d'un café. Le café, de la plus longue des attentes. Frigo ouvert, pour y trouver de quoi grignoter. Ça t'occuperait. Rien de bien extravagant. Une collation plus qu'autre chose, à défaut de savoir ce que Darcy avait prévu pour souper.
La nuit est tombée. Second café.
À moitié bu, au moment où il entend la voiture se garer devant la maison.
Le coeur se met à battre à toute allure, alors qu'il pose sa tasse sur le comptoir. Buddy a déjà bondi pour se planter devant la porte d'entrée, et Sarwan sait. C'est Darcy. Incapable de savoir quel conduite adopter. À seulement apparaître au bout du petit vestibule, au moment où la clé tourne dans la serrure et où le visage familier apparaît. Sans un mot. Gorge nouée, le coeur dans les talons. Pourtant prêt à exploser. Sourire trop large, sur ses traits. Les mains dans les poches, à savoir qu'il a laissé ses chaussures bien en évidence au milieu du paillasson et sa veste sur le crochet porte-manteau qu'elle occupait habituellement.
La journée s'était déroulée dans sa routine habituelle, au Paradise Lost Tattoos. Darcy avait enchaîné les quelques rendez-vous prévus, puis avait discuté avec un client passé par là, pour une idée de projet. Après avoir griffonné une bonne partie de l'après-midi, elle avait réglé de la paperasse et rêvassé en regardant la pluie tomber. Le coeur tranquille, les pensées au calme, Darcy se sentait plus sereine que jamais, même avec Sarwan à l'autre bout du monde. Ils s'appelaient fréquemment, se tenant au courant, et même si l'angoisse ne quittait jamais vraiment Darcy, elle vivait ses journées dans la paix de pouvoir l'aimer librement. Comblée dans sa relation et dans son travail, elle était cependant un peu mélancolique ces derniers jours, et la pluie n'aidait pas vraiment. Sarwan lui manquait, la solitude se faisant un peu pesante. Heureusement, elle avait Buddy et son petit chat, et s'assurait de sortir voir des amis de temps en temps, mais au final le lit vide lui tournait l'estomac, une fois la nuit tombée. Peut-être était-ce la hâte de la permission de Sarwan, où la perspective de passer son anniversaire toute seule. Sarwan serait là dans une semaine. Juste une autre petite semaine.
Darcy verrouille le salon quelques heures plus tard, alors que le ciel est déjà bien obscur, roulant tranquillement vers la maison où elle s'était finalement établie. Garant sa voiture dans le stationnement, elle fronce des sourcils en voyant des lumières allumées dans la maison. Légèrement alarmée, elle se dit qu'elle en a peut-être oubliées. Ou alors... Mais un voleur ou autre chose ne prendrait pas la peine de tout allumer. Le coeur battant frénétiquement, la main tremblant légèrement, Darcy déverrouille la porte d'entrée. Peut-être devrait-elle appeler la police. Elle hésite un instant, téléphone en main, puis décide de ne pas paniquer. Elle ouvre lentement la porte, retenant son souffle.
Elle voit la veste. Les chaussures. Sarwan.
Un hoquet de surprise lui échappe, alors qu'elle reste figée sur le seuil de la maison. Sarwan se tient au bout du couloir, le sourire étiré jusqu'aux oreilles, alors que Buddy trottine vers elle pour ses caresses habituelles. Darcy n'y croit pas ses yeux. Se demandant un instant si elle était devenue folle ; mais Sarwan est bien là. Une semaine avant l'heure. « How... » Elle s'arrête. Peu importe comment. Peu importe pourquoi.
Elle ne se soucie même pas de refermer la porte derrière elle ou d'enlever sa veste. Elle fonce vers Sarwan, le percutant de plein fouet pour l'attirer dans une étreinte serrée. La gorge gonflée, les yeux se remplissant de larmes. Contre sa chaleur, contre son odeur, le monde fait soudainement tellement plus de sens. « I thought you... I thought... » Elle hoquète, souriant finalement. Ses bras autour du cou de Sarwan, elle ne le lâche pas. Recule simplement pour venir lui cueillir un baiser, avec toute la fougue de l'impatience, de l'attente, de la distance. Il est là. Il est là. Les larmes coulent sur ses joues, et elle rit doucement. « I was going to call the police ! » dit-elle en riant, quand elle se recule pour reprendre son souffle. Le coeur explosant de joie, d'amour. Comblée, bouleversée. He's here.
par zaja
these dreams i have of you ain't real enough -- (darwan)
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