Les épaules voutées, le front légèrement plissé. Le crayon qui glisse sur le papier, le plomb qui se mêle au blanc, alors que le dessin prend lentement mais sûrement forme. La respiration lente, le corps tout de même détendu. Darcy termine son trait, et se redresse. Observe l’avancée, et relève les yeux pour observer la nuit. Paisible, en cette soirée d’été. Le soleil couché depuis quelques heures, et le quartier tranquille depuis. La soirée est tout de même fraîche, la pluie qui est tombée toute la journée. Calmée, à présent, mais laissant derrière une brise. Au loin, pourtant, Darcy distingue un feu de camp, et peut-être même un courageux qui patauge dans sa piscine. Sinon, les gens réfugiés à l’intérieur, beaucoup entre les draps pour trouver le sommeil. Darcy pas prête à aller dormir, pas du tout - les yeux grands ouverts, et la tête bourdonnant trop pour envisager le sommeil. Elle s’est installée à son petit bureau, jambe repliée sous elle, pour dessiner un peu. La musique dans les oreilles, qu’elle choisit du iPod reçu au dernier Noël. Elle observe la maison d’en face - se demande ce que Sarwan fait, en cet instant. Ne sait pas s’il est même chez lui. Probablement. Mais le rideau est tiré, alors Darcy se repenche sur son carnet à dessins. L’été où elle peut respirer, où elle n’a pas à se soucier de l’école et des travaux. Juste un peu de liberté, quelques semaines de tranquilité, à profiter juste du soleil et de l’absence de responsabilités.

Quand elle relève les yeux, le rideau de Sarwan est tiré. Elle croit distinguer une ombre, juste devant la fenêtre, et elle plisse légèrement des yeux. Se demande si c’est lui qui l’observe - et alors, la lumière de l’autre côté s’ouvre, puis s’éteint. S’ouvre, puis s’éteint. Le sourire étire les lèvres de Darcy.Sarwan. Le rire au bord des lèvres, toujours amusée par ces jeux enfantins même après tout ce temps, elle dépose son crayon et fait de même avec sa lampe. Ouverte, éteinte. Ouverte, éteinte. Les yeux pétillants de malice. Oui, je suis là. Elle peut presque l’imaginer rigoler de son côté. Les deux adolescents qu’on croyait avoir encore six ans. Mais c’était juste comme ça entre eux. Simple. Complice. Une amitié que Darcy chérissait, qu’elle ne saurait pas vivre sans. Jamais.

Le rideau est tiré à nouveau, la lampe éteinte. Mais Darcy sourit toujours, sachant que Sarwan s’en vient. Elle se redresse, attrape une veste au passage et descend discrètement les escaliers. De toute façon, ses parents devraient savoir qu’elle ne faisait que rejoindre Sarwan, en sortant à cette heure. Les parents depuis longtemps habitués aux petite sorties des deux amis d’enfance - le comble d’avoir la maison à quelques pas de celle de l’autre. Darcy fait glisser la porte patio, pour poser les pieds sur la terrasse. Pieds nus contre le ciment, elle guette la noirceur. Peut distinguer la silhouette qui arrive près de la clôture qui sépare les deux maisons - mais elle ne s’avance pas dans l’herbe, détrempée par la pluie, le sol boueux. « Sarwan ? » Qu’elle appelle, au bout d’une minute. La clôture bouge, et des drôles de grognements lui parviennent. Elle fronce des sourcils, guettant. Mais ça prend un temps à ce que son ami apparaisse finalement - et quand il arrive, quelque chose cloche. « Oh my God... » Siffle Darcy entre ses dents. Le bras ensanglanté de Sarwan, sa mine un peu dépitée. « What the hell happened ? » Inquiète, certainement - mais peut-être un peu amusée, aussi. Comment tu t’y es pris, Sarwan ?

Elle l’entend vociférer, au loin. Les gros mots qui s’enfilent, et la clotûre contre lequel il semble se battre. Quand il apparaît, elle comprend pourquoi - la peau déchirée, le sang qui coule. Et malgré son inquiétude, Darcy ne peut s’empêcher d’avoir un petit sourire, et d’avoir envie de rigoler. Encore des enfants. Heureusement, ça ne doit pas être trop grave parce qu’il sourit lui aussi, clairement un peu dépassé par sa propre initiative. Mais cette clotûre était une trop vieille habitude pour être abandonnée, et était un peu le symbole de leur amitié. Tout avait commencé, avec ce ballon débarqué de l’autre côté. Darcy, haute comme trois pommes, Sarwan, haut comme quatre. Et les voilà maintenant, des années plus tard. Sarwan avait terminé l’école. Gradué. Et ça lui faisait tout bizarre, à Darcy, qui avait tendance à oublier qu’il était plus âgé. Que sa vie allait commencer avant la sienne, espérant qu’il ne l’oublierait pas en chemin. Elle imaginait mal son quotidien sans Sarwan, sans le savoir dans la maison derrière, même s’il était occupé par ses devoirs ou par une copine. De savoir qu’il était là, à portée main, au bout du fil, à quelques pas.

Le ciel est lourd, l’air humide. Sarwan qui se tient là, avec le bras en sang et le sourire un peu embarrassé. Darcy, du haut de ses quinze ans, qui n’a pas tellement envie de grandir. Pas envie de savoir ce qui va se passer, dans les prochains mois. La peur de perdre quelque chose. « Well I think the hole isn’t big enough to crawl under the fence anymore. » Il rigole, et elle ne peut que le suivre. Les yeux pétillants dans la noirceur, la complicité habituelle entre eux. « It’s not one of your best ideas. » Ça a l’air douloureux, quand même, et Darcy se penche un peu pour observer la blessure. « Shit. I just wanted to be quick. Does it look bad ? » Il enlève sa main, et Darcy discerne un peu plus la coupure. Plissant du nez, elle se redresse. « It doesn’t look good, that’s for sure. But I think you’ll live. » Le petit rire qui passe ses lèvres, alors qu’elle attrape la main de Sarwan. Peu importe qu’il y ait un peu de sang. « C’mon. » L’attire vers l’intérieur, allume la lumière de la cuisine pour y voir plus clair. Se dirige vers la trousse de premiers soins, rangée sous l’évier. « Sit down, silly, I’ll try and patch you up. » Petit sourire, alors qu’elle revient vers lui munie des bandages et du nécessaire. « Does it hurt very much ? »

« It hurts. » La petite plainte, à peine assumée, qui tire une petite moue de la part de Darcy. Pauvre Sarwan, qui n’avait voulu que franchir la clôture pour la rejoindre. Les habitudes de jeunesse qui, clairement, étaient passées. Ça la rendait un peu triste d’y penser, Darcy. Le sentiment qu’une époque arrivait à sa fin, qu’un chapitre allait devoir bientôt se conclure. Mais elle ne voulait pas penser à ça. Voulait juste profiter de son temps avec Sarwan. Ce dernier, qui s’était laissé retombé sur un banc de la cuisine. Et Darcy a toujours le petit sourire aux lèvres, ses longues jambes lui permettant de naviguer la cuisine sans avoir à trop bouger. Elle dépose la trousse sur le comptoir, avec un coup d’oeil vers Sarwan. « Little bit. » Qu’il grogne quand elle lui demande si c’est vraiment douloureux. Pas aussi pire que ça, finalement. Et elle ouvre la trousse, pour sortir le nécessaire. Désinfectant, linges, bandages. Au moins ça, pour empêcher qu’il continue de saigner sur le plancher. « I could use a beer. Or some strong shit. D’you have anything we can drink ? » Elle le regarde, relevant les yeux de la bouteille de désinfectant. « Are your parents asleep ? » Elle rigole doucement, Darcy, le genre de rire qu’on doit garder étouffé pour ne réveiller personne. « I think so. » Elle jongle un instant avec ses idées, avant de jeter à Sarwan un coup d’oeil complice. « Wait here. »

Petit contact posé sur son bras, comme pour appuyer ses propos, alors qu’elle se dirige vers le salon. Les pas discrets, alors qu’elle se penche vers le petit meuble qui contient les bouteilles de ses parents. Pas la première fois qu’ils y mettent les doigts, elle et Sarwan - et certainement pas la dernière. Elle se souvenait bien d’une fois où ils avaient abusés, y’a pas si longtemps. Une première expérience pour Darcy, qui s’était révélée pas très agréable le lendemain matin. Elle s’empare d’une bouteille, et revient dans la cuisine comme une gamine, sourire aux lèvres. « Tadaaaa. » Se dirige vers le frigo, pour attraper un peu de jus de canneberge. Le mélange facile à faire. Deux verres sortis, qu’elle remplit alors que Sarwan demande pour sa cicatrice. Darcy arque un sourcil, en essayant de mesurer les doses de la vodka. « No, I don’t think so. It’s not deep enough. » Le petit sourire, alors qu’elle glisse le verre vers lui. « Sorry, S. You won’t have a badass scar to show off to girls. » Prends son propre verre entre ses doigts, le levant légèrement en sa direction. « To the fence that gave birth to our friendship, and that just betrayed you by slicing your arm open. » Le petit éclat de malice dans les yeux. Cheers to you, S.

Elle secoue la tête, en le regardant. Le mécontentement face à la souffrance qu’il endure pour rien, sans pouvoir gagner une cicatrice au passage. Darcy le trouve exaspérant, Sarwan. À se tenir là avec son bras en sang, et sa moue boudeuse. Mais en même temps, elle est trop attachée à lui pour être agaçée. Toujours, le petit sourire au bout des lèvres. Toujours, l’amusement qu’elle ne sait pas cacher. Qu’elle n’essaie pas de cacher, non plus, sachant bien qu’il la connait suffisamment pour la deviner quand même. Les verres se lèvent, dans la cuisine des Flint. « Well amen to that. » La vodka qui brûle la gorge de Darcy, alors qu’elle ne se retient pas pour grimacer. Wow. La petite toux qui passe ses lèvres, pas du tout habituée à consommer de l’alcool ainsi. Et ce n’est pas de la rigolade - pas encore douée pour bien doser les cocktails, non plus, visiblement. Elle ne sera jamais barmaid, ça, au moins, c’est clair. « It’s the last time I crawl under you, fence. » Elle rit doucement, observant son verre en se demandant si elle voulait vraiment une deuxième gorgée. « Nothing I wouldn’t do for you, huh ? » Et elle sourit, Darcy. Le coeur qui manque étrangement un battement, alors qu’elle s’empresse de glisser le nez dans un verre. La vodka qui lui brûle à nouveau la gorge, un peu moins brutalement. L’embardée qu’elle range soigneusement dans un coin de sa tête. After all, nothing she wouldn’t do for him either.

« So. What were you doing before I bothered you ? » Elle repose son verre et contourne le comptoir - ne pas oublier le bras écorché de son ami. « Nothing important, I hope. ‘Cause I’m really bored tonight, so I don’t think I’ll be out of your hair anytime soon. » Elle lâche un soupir, en levant les yeux au ciel. Prend le linge pour essuyer le sang, nettoyant la plaie au passage. « You’re so annoying. » Mais elle n’est pas très douée pour prétendre, et bientôt le sourire revient sur ses lèvres, plus malicieux. Les murmures plus ou moins discrets - mais Darcy ne s’en fait pas. Après tout, elle sait que ses parents doivent déjà savoir que Sarwan est là. « I wasn’t doing anything, period. Just drawing. Nothing important. I was kind of bored, too. » Les yeux relevés vers le visage de Sarwan, alors qu’elle verse un peu de désinfectant sur un coton. « So I’m glad you bothered me. I just didn’t want to bother you. I thought you were with that girl… What’s her name again ? » Le désinfectant qu’elle dépose sur la plaie au même moment, avec un léger sourire de contentement. Juste pour l’agacer un peu - les amis servent à ça après tout, n’est-ce pas ?

« Aoutch ! » Darcy ne peut s’empêcher de sourire. Un petit sourire en coin, un peu malicieux, du coup qu’elle venait de lui jouer. Rien de méchant, juste pour le taquiner un peu - sachant que ça allait piquer, sans faire véritablement mal. Juste pour lui remettre les idées en place, un peu. Jouer les infirmières ce n’est pas son fort de toute façon, mais ça les occupe en attendant de boire un peu leurs boissons illégales. « Her name’s Holly. And, no, I wasn’t with her. » Il hausse les épaules, et elle lui lâche un regard. L’observe boire une gorgée de son verre, et reste en silence, sachant que ce n’était pas la fin de l’histoire. Holly. Une belle blonde, de son âge. Darcy le sait trop bien. Les copines de Sarwan qui passaient, parfois, lui déborant la présence de son meilleure amie. Habituée, depuis les années. Mais ça n’expliquait pas tout. « Actually, I think we kinda broke up, so… Yeah. I don’t think you’re gonna see her again any time soon. » Elle pose le désinfectant, prenant le temps de boire une gorgée de son cocktail plus ou bien moins dosé avant de continuer. Le regard posé sur Sarwan, à la recherche de son coeur brisé. Mais il ne fait que sourire, l’air juste un peu lassé. Pas une rupture à briser le coeur, on dirait bien. « I see. Sorry about that. » Qu’elle répond simplement. Pas non plus heureuse de revoir Sarwan seul - elle ne voulait que son bonheur, après tout. Mais elle ne pouvait pas nier le léger soulagement au coeur - peut-être que l’été pourrait leur appartenir, à présent. Juste à eux deux.

« Plus, you know that I’m always available to save you from boredom. » Elle a un petit sourire, Darcy, en ouvrant l’emballage du gaze. « Since when do you care if I’m busy or not ? You could’ve tried to call me, at least. Like, be selfish, D. And if I don’t answer, well… » Elle déroule légèrement le rouleau de bandage, en se penchant pour mieux juger la plaie. Hausse un peu les épaules, le regard fuyant. « Last time I called you while you were busy, I got the stink-eye from your girlfriend for a week. » Elle avait pas trop aimé que ta meilleure amie te dérange, tu vois. « We’re not kids anymore, S. » Et c’est dit avec une pointe d’amertume, tout de même. Elle ne sait pas trop d’où ça vient, et pourquoi ça apparaît maintenant dans la conversation. Mais ça lui vient, alors qu’elle dépose la gaze contre la plaie. « I can’t call you anytime I’m bored. » Elle lâche un soupir. Se redressant pour déposer le bandage. Commence à l’enrouler autour du bras de Sarwan. Délicatement, ses doigts sur sa peau. « Even the fence agrees with me. » Qu’elle dit avec un sourire, levant les yeux vers lui. L’éclat de malice, toujours là. « But I’m glad you’re here now. » Le petit sourire qui se glisse sur ses lèvres, tout de même. « So, what do you want to do tonight ? Other than drinking this delicious cocktail, of course. We need to celebrate your once again single life. »

Le temps passe. Le temps passe et y’a rien pour l’arrêter. Les enfants grandissent, et les choses changent. Bientôt, y’a un chapitre qui va se clore, au même moment où l’été va se terminer. Et c’est dur à accepter. Dur à encaisser. Ça pousse les derniers élans de désespoir, à se raccrocher à quelque chose qui est destiné à disparaître. Ça vaut des vilaines coupures sur le bras, et des murmures douloureux. We’re not kids anymore. Elle déteste dire ça, Darcy. Déteste devoir affronter le fait que tout va changer, à présent. Que Sarwan aura une vie à commencer et qu’elle sera inévitablement derrière. Qu’il aura le monde à affronter et qu’elle devra attendre des mois pour le rejoindre. La peur de ne jamais pouvoir le rattraper, après ça. Will you wait for me ? Elle aimerait lui demander. Sait que ce n’est pas juste. Elle ne peut pas. Ça lui brûle la gorge. Mais Sarwan devra partir, d’une manière ou d’une autre. Et le gouffre va se creuser. Inévitablement. Y’a l’amertume dans sa voix, et dans celle de Sarwan aussi. La moue boudeuse, et les mots marmonnés. Insultes à la clôture, qui est en train de devenir un peu trop un symbole au goût de Darcy. Ses mots la font sourire, Darcy. Espère qu’il trouvera toujours un moyen de venir la voir. Malgré tout, elle surveillera toujours la fenêtre d’en face. Mais pour l’instant, ils pouvaient profiter du moment présent. Ne pas se préoccuper du lendemain, et juste vivre les heures qui s’étalaient au bout de leur nez. I’m not going anywhere, qu’il dit, et ça la fait sourire. Les yeux un peu trop étincellants, le sourire un peu trop doux. I hope not. You better not.

Le bandage terminé, il ne reste plus qu’à trouver les plans pour le reste de la soirée. Gorgée de vodka avalée, elle observe Sarwan d’un oeil tranquille. Ses cheveux emmêlés, et son sourire familier. « I don’t know. I figured you’d have some ideas, y’know. The doctor session was my idea. Your turn now. » Et elle sourit, avec amusement. Secoue doucement la tête. « We could watch a movie. Or play poker. Or stalk the creepy neighbor. Lay down on the grass and watch the stars. » Elle sourit, Darcy. Ne pouvant pas quitter Sarwan des yeux. Please don’t leave me. « Spit contest. » Elle plisse du nez, Darcy. Mine dégoûtée sur le visage. « Ew. Why the hell would I do that ? » Mais le rire revient rapidement, alors qu’elle enfile une autre gorgée. « The grass is too muddy. And the creepy neighbor’s on vacation. How about a movie, then ? » Le plan le plus simple, sans doute, mais également le plus efficace. Elle range la trousse, Darcy, jette les déchets. Attrape la bouteille de vodka au passage, et fait un signe à Sarwan de le suivre. « C’mon, then. » Les pas qui la mène à la porte qui va au sous-sol, où se trouve la grande télévision. L’endroit familier, où ils ont déjà passé tellement de temps. « What are you in the mood for ? I say, horror. A slasher. » Elle rigole, déposant la bouteille sur la table basse. Contente de pouvoir passer le reste de la soirée avec Sarwan. Juste être ensemble. Discuter, relaxer. Please please please don’t ever leave me. « Scream ? » Qu’elle propose, attrapant un DVD dans la bibliothèque pour lui montrer.

« Sounds good. » Elle acquiesce, sourire aux lèvres. Se sentant bien mieux maintenant que Sarwan est à ses côtés, et qu’ils se sont réfugiés dans le sous-sol. L’endroit où ils avaient pu passer tellement de temps en étant gamins, et encore aujourd’hui, alors que l’enfance commençait à vraiment être derrière eux. Elle installe le DVD, alors que Sarwan reste installé dans le canapé. Le goût de l’alcool encore sur la langue, l’esprit préoccupé. Par tout ce qui semble se préparer, par tout ce qui n’est pas dit entre eux. Tout qui change, et pourtant rien qui n’a changé. « Shit, we forgot the snacks. » Elle se tourne vers lui, Darcy, à temps pour le voir se redresser. « I’ll go. What do you want ? » Elle hausse les épaules, avec un petit sourire. « Whatever you find. » Pas particulièrement compliquée. Elle le regarde partir vers l’étage, avec un drôle de noeud dans l’estomac. Quelque chose dans sa voix qui semble s’être assombri. Le verre presque terminé, et la bouteille qui ne demande qu’à être bu davantage. Alors que la télé s’anime, elle se dirige vers son propre verre. Une trop grande gorgée, qui la fait grimacer.

Qu’est-ce qui est en train de changer ?

Quand Sarwan réapparaît, il est armé des snacks pour la soirée. Darcy se laisse retomber à ses côtés sur le canapé. « Here. That’s better. » Elle lui sourit, attrapant une chip au passage. Manette en main, elle s’occuper de sauter les bandes-annonces jusqu’au menu du DVD. « So, you planning anything for the rest of the holidays ? » Elle lui jette un bref regard, en appuyant finalement le bon bouton pour commencer le film. « What about the camping trip your parents wanted to go on ? » Elle acquiesce tranquillement, un soupir qui passe ses lèvres. « Yeah, right. I dunno, I think it’s still on. But it’s just a weekend. » Elle étire le bras pour attraper une poignée de bretzels, mangeant un peu malgré sa drôle d’impression dans l’estomac. « But otherwise… I think it’s gonna be pretty boring. » Un regard vers Sarwan, le sourire tranquille aux lèvres. Jambes repliées sur le canapé, le film qu’elle regarde à peine. « What about you ? » Les mots qu’elle murmure, doucement. Et elle ne sait pas pourquoi, mais la question émerge finalement. « Have you thought about… what you’ll do in September ? » Ce que t’as décidé pour ton avenir.

Si tu resteras.
Si tu partiras.
Que je sache, Sarwan.
Si je dois me préparer à vivre sans toi.

Le film qui défile à l’écran, et qui n’a que la moitié de son attention. C’est plutôt vers Sarwan qu’elle est tournée, alerte au son de sa voix et à ses intonations. Y’a quelque chose qui traîne dans l’air, sans qu’elle ne saurait trop se l’expliquer. Pas une soirée ordinaire, alors qu’ils avaient pourtant partagés tellement de temps sur ce canapé, dans ce sous-sol. Ce soir n’est pas comme les autres, même ça c’est en train de changer. Elle a l’estomac noué, Darcy, à peine capable d’avaler les chips posés sur la table. Elle s’attend au pire, on dirait, comme si le ciel allait lui tomber sur la tête d’un moment à l’autre. L’été sera tranquille pour tous les deux, rien d’exceptionnel. Plein de temps à passer ensemble, avant… Avant quoi ? Et elle ne peut plus attendre, Darcy, elle doit savoir. Doit savoir si elle doit se préparer à une séparation ou être soulagée de ne pas avoir à y penser. Alors elle pose la question, à propos de cette rentrée redoutée, le besoin d’arracher le pansement une bonne fois pour toute. Et elle est terrifiée de ce qu’il va répondre, elle doit l’avouer. Elle lui jette un regard en coin, et elle voit bien que lui aussi est nerveux. Le snack reposé, comme si son appétit avait été soudainement coupé, et elle sent sa gorge se serrer. Just tell me, S. Just tell me the truth.

« A little bit, yeah. » Elle garde les yeux sur le film, ne le voyant qu’à moitié, cependant. Peut-être qu’elle n’aurait pas du demander. Peut-être qu’elle aurait du laisser l’eau couler sous les ponts, et une autre soirée d’été passer sans encombres. Mais elle a besoin de savoir - et lui a besoin d’en parler. « About that…  » Elle tourne les yeux vers lui, intriguée par son ton. Le film dont elle est complètement désintéressée, y’a que Sarwan qui occupe ses pensées. « I… Well, I had an idea. And I thought I might take the leap. » Elle déglutit, sentant son coeur battre si fort que ça résonne jusque dans son crâne. La peur, froide et tremblante, qui passe dans sa colonne vertébrale sous le déguisement d’un frisson. Peur de ce qu’il va lui dire, peur de ce qui va se passer. Du temps qui passe trop vite, du monde qui va changer. Elle le sait, elle le sent. We’re not kids anymore, S. « Ok. » Qu’elle répond simplement. Le regard posé sur lui, ne voulant pas regarder ailleurs. Le visage si familier de Sarwan, et tout ce qui se bouscule dans l’air entre eux. « What is it ? » C’est presque un simple murmure, et elle se demande s’il a pu l’entendre. Alors elle se racle la gorge. Essaie de sourire, malgré tout. « You can tell me. » Elle essaie de se faire rassurante. De lui souffler, à travers ses mots, you can trust me. You can tell me. I’m not gonna judge. I’m not gonna run. I might get my heart broken, but you can always count on me.