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 monsters and demons -- (akara)

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Akan Mohren
Akan Mohren

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terminés -- marsali #1
Dim 25 Juil - 21:36

[ août 2019 / monsters and demons ]

Le monde brûle, et t'as du mal à t'habituer. Sa lumière, son intensité. Il fait noir, pourtant. Gris. Frais. T'arrives pas à y prendre pied. Le choc et l'horreur à fleur de peau.
Pas de porte de sortie.
Tu l'as déjà empruntée.

T'es revenu. Ça, tu l'as compris. Tu l'as vu. C'est pas un rêve, c'est pas une hallucination. C'est le bitume chauffé par l'été et le soleil de la journée, exactement comme tu t'en souvenais. C'est l'odeur âcre du bâtiment presque abandonné, contre lequel tu t'étais finalement appuyé. T'avais envie de te gratter jusqu'au sang, de te débarrasser de tes vêtements. Pas difficile de te rappeler. Ceux que tu portais au moment de crever, ceux qui t'ont habillé à l'illusion en enfer, pendant des années — des siècles. Mais cette fois, ils sont vrais. Le poids de la veste sur tes épaules. La légèreté du t-shirt contre ta peau. C'était pas une tenue d'hiver, Marsali avait ri,
Marsali.


T'étouffes. Reclus dans un coin d'ombre, accroupi contre le mur. La peau bouillante pour toi seul, glacée pour le reste. T'as les yeux d'un noir à en effrayer les enfants, à en faire pâlir les exorcistes. Tu ne les vois pas, tu ne les comprends pas. Tout ce que tu comprends, c'est que tu es là. À vivre un coeur qui ne bat pas, des poumons qui n'ont besoin d'air que pour haleter à la vitesse de ta détresse. Tu n'as pas faim, tu n'as pas froid. Tu n'as pas chaud non plus. Tout ça n'existe pas.
Mais t'es bel et bien là.


Tu ne sais pas où. Tu ne sais pas comment. Tu ne sais pas où aller. En réaction face à l'idée même d'exister.

Tu ne veux pas être là. Tu ne veux pas marcher. Tu ne veux pas tomber. Tu ne veux pas parler, entendre ta voix. Tu ne sais même plus à quoi elle ressemble. Tout ce dont tu peux te souvenir, c'est le son de tes cris. De tes gémissements. De ces pleurs que tu ne donnais plus depuis longtemps, mais qui continuaient de te déchirer la gorge dans une supplication infinie.

Tu ne veux pas être là. Tu ne veux pas voir qui que ce soit. Tu ne veux pas avoir à comprendre ce que tu es, ni même à devoir t'y habituer.
Tu veux crever.
Cette fois, pour de bon.
Ni Enfer ni paradis.
Ni seconde chance, ni seconde existence.

Tu veux crever, et que tout soit terminé.

Des pas, non loin de là. Tu les entends trop vivement, et le moindre crissement du bitume te perce les tympans. Tu ne te retournes pas. Tu n'en as pas besoin. Tu sais que la silhouette s'est arrêtée non loin de toi, et tu ne veux pas. La rage au corps, la détresse qui te brûle jusqu'à la moelle. « Leave me alone. » que tu te contentes d'articuler. Ça ne sonne pas comme ta voix. Ça grince, ça raille, ça t'arrache les tripes.

Ça peut pas être vrai.
Le monde autour de toi, la fin de c'que t'avais pourtant mérité.

Et tu veux crever.
Cette fois, pour de vrai.


[ @amara desai  monsters and demons -- (akara) 1780014750  ]
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Amara Desai
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Dim 25 Juil - 21:37


monsters and demons
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Tu ne connais pas vraiment le coin. Première fois que tu prends cette route, que tu t'attardes dans cette ville. Les organisateurs ont toujours le don de trouver les pires endroits malfamés possible - mais c'est vrai qu'ici, personne ne va vous chercher. T'es davantage habituée à ce que les ventes aux enchères se déroulent dans des grands manoirs, ou dans des salles à la décoration ostentatoire, mais parfois, quand l'événement s'avère être un peu moins légal, il faut se satisfaire d'usines désaffectées ou de bâtiments abandonnés - comme cette fois. Tu n'étais pas vraiment d'humeur à venir dans la saleté, mais la vente n'était pas très loin de Blackwater Falls et tu t'ennuyais un peu, ces jours-ci. Peut-être, seulement peut-être, que ça parviendrait à te changer les idées.

Fidèle à toi-même, tu te rends la veille pour jeter un coup d'oeil aux environs. Tu aimes être préparée pour ce genre d'événement, trouver le meilleur endroit pour observer les objets et placer tes montants. Pas intimidée, seulement tu n'aimes pas arriver en retard ou ne pas savoir où tu es. Alors tu as enfilé tes bottes et te voilà en train d'observer les environs où tu reviendras le lendemain soir. Rien n'est encore installé, mais tu t'imagines qu'ils placeront la scène quelque part au fond, et alors que tu parcoures les lieux, tu crois bien entendre quelques bruits étranges. Sans doute juste des animaux ayant pris refuge sous le toit délabré pour la nuit - mais alors que tu décides de ne pas y prêter attention, tu repères une silhouette recroquevillée sur elle-même. Humaine, celle-là. Intriguée, pas vraiment effrayée, tu t'approches.

Il fait encore nuit - ça ne peut pas être un loup qui vient de se retransformer. Un errant, peut-être. Mais quelque chose à propos de lui te rend curieuse au-delà. Les possibilités trop nombreuses, alors que tu observes les cheveux sombres, la peau pâle et les vêtements déchirés. « Leave me alone. » La voix déchire la nuit. Claire et pourtant tremblante, remplie de rage et d'hostilité. Tes talons claquent alors que tu t'approches encore un peu. Vêtue de noir, tes cheveux glissant sur tes épaules, ton regard perce l'obscurité. « I'm not here to hurt you. » Que tu lui glisses le plus simplement du monde - à la voix inquiète et détachée. Tu es plus curieuse qu'autre chose, mais un instinct à l'intérieur de toi te souffle de t'attarder. « I'm Amara. What are you doing here ? » On aurait dit qu'il tremble - le visage jeune, mais tu sais que ça peut être trompeur. « Are you hurt ? » Tu lui demandes simplement. Tu le conduiras à l'hôpital s'il le faut - et tu partiras s'il ne veut vraiment pas de toi. Mais difficile pour toi de simplement lui tourner le dos.

-- @akan mohren  :keur:

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Dim 25 Juil - 21:39

[ août 2019 / monsters and demons ]

T'as la rage au coeur, la détresse à l'âme. Tu entends les talons de l'intrus claquer sur le béton, derrière toi — et t'as juste envie qu'on te foute la paix. La douleur encore répandue dans tes muscles entiers. Tu peines à comprendre ce qui t'arrive, ce que tu fais là. C'est tout juste si tu sais où tu es. Un pari que tu ne voulais pas prendre, mais qui finirait bien par arriver. Car ton rêve ne prenait pas fin. Tu étais bloqué, les deux pieds solidement ancrés au sol, le corps recroquevillé. T'as l'air d'un animal blessé ; au fond de toi, tu le sais. Et peut-être que tu l'es. Peut-être que tu mordras si l'autre s'approche trop près. T'es pas capable de savoir. Pas capable de comprendre.
Tu veux juste être seul.
Tu veux juste crever.
Que le supplice s'arrête.
Que le vide t'aspire.
Dans le néant, pour ton éternité.

À ne plus être forcé de souffrir ou d'exister.


Tu lui dis de dégager, et tu ne reconnais même pas le son de ta voix. Ton coeur un peu plus brisé — mais il ne te fait pas aussi mal qu'il le devrait. Le monde est débalancé. Tu sais qu'il fait chaud, mais tu n'en ressens pas les effets. Comme si tout s'était arrêté. Ton corps, ta vie, ton humanité. Qu'est-ce qui est en train de t'arriver ?

« I'm not here to hurt you. » C'est une voix de femme qui s'élève, juste là. Tu ne la regardes pas. Tu entends à peine ce qu'elle vient de te dire — mais une part de toi l'absorbe. Elle ne te veut pas de mal.
Ça fait combien de temps que t'as pas entendu ça ?

Ça te paraît irréel. Tant et si bien que tu crois à une illusion, à une nouvelle forme de torture psychologique. Tu dois fermer les yeux, serrer les dents, te forcer à respirer. Mais ça n'aide pas. L'air ne semble pas faire quoi que ce soit. Pas de calmer, en tout cas.

« I'm Amara. What are you doing here ? » Sa voix est chaude. Rassurante. Elle pourrait créer l'effet que l'oxygène échoue à réaliser, mais tu es trop refermé sur toi-même pour le laisser. Pourquoi elle reste ? Pourquoi elle est là ?
Est-ce qu'elle t'a entendu, quand tu lui as dit que tu voulais qu'elle s'en aille ?

« Are you hurt ? » Ses questions ne font aucun sens. Les réponses ne te viennent pas comme elles le devraient. Parce que tu ne sais pas où t'es. Tu ne sais pas ce que tu y fais.
Parce que tout ton corps te fait mal, mais t'as pas l'air blessé. Tu te relèves, comme pour le constater. Essayer de comprendre. « No. » que tu finis par trouver la force de lui lâcher. Mais tu ne bouges pas. Tu ne la regardes pas. Tu ne peux pas. Et la violence de la peur et de l'incompréhension t'étouffe trop pour que tu ne puisses continuer. Soudainement submergé par une nouvelle vague de négativité, tu te crispes. « I said : leave me alone. » T'insistes, ça grince, c'est fort, et y a un truc qui craque pas loin de là. Une fissure le long du plafond, crevant la moulure, témoin de ta colère,
Tu comprends à peine que c'est toi.

Que t'as fait ça.


Sa question te tourne en boucle, alors que tu essaies de démêler le songe du vrai. Les souvenirs de la réalité. You're not hurt. But where are you ? Et tu relèves la tête vers elle, par instinct. Debout, le corps déployé, mais les épaules toujours voûtées dans l'obscurité. Tes yeux, noirs du diable, pour la fixer. « Where are we ? » Ignorant l'ordre que tu lui avais jeté quelques secondes auparavant. Chaque mot te fait mal. Ta peau brûle, tes poumons hurlent. Mais seul le silence vous étreint. Les vêtements aussi noirs que les cheveux, aussi noirs que tes yeux, Amara se tient là. Tu as autant envie de la chasser que de la voir rester. Et dans le tumulte de ton esprit, elle t'apparaît soudain comme la seule prise à laquelle te raccrocher.

« ... Is it summer ? » Quelques mots ajoutés, en un murmure cette fois. Alors que tu commences à comprendre que tu es peut-être véritablement revenu. Que la vie s'est écoulée, et que le monde ne t'a pas attendu. Where am I, Amara ?
When am I ?
Tell me.

Tell me.


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Amara Desai
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Dim 25 Juil - 21:39


monsters and demons
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Quand tu parles, il ne te regarde pas. Plongé dans son propre monde, prêt à t'ignorer jusqu'à ce que tu tournes les talons. C'est mal te connaître, cependant. Tu n'es pas du genre à baisser les bras, et même si tu as appris à ne pas t'investir dans les vies des autres, au risque de te perdre, une partie de toi, un instinct qui s'est développé, te pousse à rester. Quelque chose dans sa manière de se tenir là, comme un animal sauvage, te rappelle les âmes brisées que tu as pu croiser au cours des siècles derniers. Parfois, ça vaut le coup de s'attarder. Tu gardes ta voix calme, ta posture ouverte, prête à réagir, peu importe comment il voudra bien te répondre.

Lentement, il se relève. Ta tête suit son mouvement, lent et douloureux. Tu restes prudente, ton regard relativement doux. « No. » Mais parfois, y'a de ces blessures qu'on ne voit pas. « I said : leave me alone. » Dans sa voix, une colère qui sort de très loin. Ça en fait trembler les murs, et tu tournes la tête quand un de ceux-ci se fissure. Ce genre de rage, il en existe pas tellement. Ça te fait presque frissonner, mais ça ne t'effraie pas. Tu comprends juste que cet inconnu n'a rien d'un simple errant - et ce qui t'attire tellement à lui, ça doit avoir un lien avec ce qu'il vient de faire. Inhumain. Et, en même temps, profondément humain. Tu ne fais que reculer d'un pas, pour lui donner un peu de distance - mais tu sens que son agressivité n'est pas tellement tournée vers toi. Tu ne t'éloignes pas davantage, car il y a une question au bout de ses lèvres.

Et alors que tu bouges les lèvres pour parler, il te regarde. Ça fait mourir les mots dans ta gorge, alors que tes yeux plongent dans les siens. Noirs comme l'abysse. Âme démoniaque qui se tient devant toi. Égarée, certes, et profondément brisée. Depuis combien de temps étais-tu là-bas ? C'est la question que tu as envie de demander. Tu n'en fais rien. Une chose à la fois. Tu n'as pas peur de lui - tu as croisé suffisamment de démons dans ta vie pour savoir à quoi t'attendre. « Where are we ? » Tu lui offres un petit sourire, question de le rassurer. Ta posture toujours calme, ta voix aussi. Posée. « Canada. » Qu'elle lui glisse, sans trop savoir jusqu'à quel point il voulait qu'elle soit précise. « A small town in Alberta. » Ses yeux noirs te font frissonner, soudainement - car il y a quelque chose qui brûle, dans cette noirceur. «  ... Is it summer ? » Tu acquiesces discrètement. Toi, qui voit toutes les saisons passer les unes après les autres, il t'arrive parfois d'en perdre la notion du temps - mais ici, au Canada, la brûlure du soleil t'aide toujours à garder le nord. Peut-être est-ce pour ça que tu t'attardes. Le temps a une autre signification, ici.

« Yes. It's August 2019. » Que tu lui précises, sachant qu'il pouvait provenir de n'importe quelle époque. Combien de temps, qu'il était parti ? Un an ? Dix ans ? Tu savais que ça se traduisait autrement, en temps de l'Enfer. Pour lui, ça devait faire des décennies. « What's your name ? » À toi de lui demander, à cet inconnu si fort et si faible à la fois. « How long has it been for you ? » Tu espères ne pas le brusquer, mais la question se pose. Puis, tes yeux se plissent légèrement. Cet impression d'égarement te mets la puce à l'oreille. Ce genre de regard, tu l'as déjà vu. Il y a longtemps, dans tes propres yeux. « It's your first time coming back, isn't it ? » Ta voix reste douce. Car tu peux t'imaginer à quel point ça doit être déroutant. Passer des flammes de l'Enfer à une terre plus douce, et en même temps plus cruelle.

-- @akan mohren  :keur:

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terminés -- marsali #1
Dim 25 Juil - 21:39

[ août 2019 / monsters and demons ]

Le monde t'est profondément hostile — mais au milieu de tout ça, heureusement, se dresse Amara. Apparue de nulle part, présence aussi gênante que salvatrice. Tu tentais encore de comprendre comment tu te sentais face à elle, face à ses yeux posés sur toi, la première forme de vie que tu croisais. Elle n'a pas l'air particulièrement intimidée, mais elle ne tend pas non plus la main avec la naïveté de ceux qui ignorent quel monde peut venir les happer. Elle sait. Tu le sens dans sa manière d'agir, dans son stoïcisme. Elle sait, et peut-être bien qu'elle est. Ça attise la méfiance de ton côté également, mais t'es plus homme à être pointilleux sur le sujet. La vie t'a manqué, et ça t'enlève le droit à l'hostilité. T'es dans leur camp, maintenant.
T'es un des leurs.
Du moins, c'est la seule explication que tu peux trouver.

« Canada. » qu'Amara répond à ta première question. Un mot rassurant, somme toute. Vous parlez la même langue. Ça commence bien. « A small town in Alberta. » La suite te rend pourtant agressif. Le poil qui se hérisse, frisson désespéré, pas Blackwater Falls, par pitié. « Which town ? » que tu t'empresses de lui demander, un peu trop hâtif peut-être. Légèrement trop agressif. Et tu enchaînes, bien vite. Tu veux comprendre le temps. La saison est un bon endroit où commencer.

« Yes. It's August 2019. » August 2019. Ça te tourne en tête. Tu te sens mal, la brûlure revient, tu détournes les yeux, baisses la tête, tu voudrais te rassurer, te dire que ça va aller, mais tu sais que ce n'est pas vrai. Rien ne va plus. T'es pas supposé revenir. T'aurais dû mourir. Aller au noir complet. Pas en Enfer. Et certainement pas en réchapper.

August 2019, qu'elle a dit. Un peu plus de trois ans que ton glas a sonné. T'arrives plus à compter, mais t'es au moins rassuré : ça ne fait pas des décennies. Ou des siècles, comme tu le redoutais. Ta mère est sûrement encore en vie. Ton frère, India et Marsali aussi. Du moins tu l'espères.

« What's your name ? » La voix d'Amara te ramène à la réalité. Tisse un fil conducteur dans le chaos de tes pensées. Ta première et seule prise sur le monde dans lequel tu t'étais retrouvé projeté. « Akan. » que tu articules. Et ça danse sur tes lèvres comme une berceuse oubliée. Ton nom dans les bouches des êtres aimés n'était qu'un souvenir. En Enfer, on l'avait utilisé pour te nuire. Ou on t'en avait privé. Un miracle que tu arrives aussi aisément à t'en rappeler. Ça ne t'a pris qu'une poignée de secondes pour le retrouver.

« How long has it been for you ? » Tu déglutis. La gorge sèche, irritée. Pas certain de comprendre la question, tu secoues la tête. How long since what ?
Since I died ?
Since I came back ?

Yeah, how long ?


Les siècles de douleur sous la peau, à imprimer l'horreur derrière tes rétines affaiblies par la lumière de la soirée. Et voilà qu'Amara t'annonçait que ça faisait à peine quelques années. Dans ton esprit, la chronologie ne fait plus de sens. Tu finis par murmurer, le regard esquivant soigneusement la silhouette ou les yeux de ton interlocutrice. « I don't know. Feels like centuries. » Réfléchis, Akan. Réfléchis.
Août 2019, qu'elle a dit.

Tu fronces les sourcils. Tes pupilles restent noires, scrutent les fissures dans le béton à tes pieds. Tes chaussures adaptées à l'hiver, sans pour autant t'empêtrer. « You said 2019. » C'est un fait. « I died in... » 2015. But no. It was January.
2016, then.

« I died in 2016. January. » The cold. That's all I remember.
The cold.
The pain.
And Marsali.
Her eyes, big, scared and blurry.

Everything was blurry.


« It's your first time coming back, isn't it ? » Amara te laisse le temps de respirer. L'évidence pointée ne te tire pas particulièrement de pincement au coeur. Le fait est là. Aisé à deviner. T'as pas besoin de lui répondre directement pour confirmer. « It feels like I've been gone for so much longer. » Cette fois, tes yeux se plongent dans les siens. Détresse, au fond de ta voix. It feels like centuries.
Awful, painful centuries.

You have no idea, Amara.

You have no idea all the things they did to me.


« Why are you here ? » Éreinté, déboussolé. T'as besoin de te situer, et si tu n'es pas capable de comprendre exactement ce que tu fais là, tu peux au moins t'appuyer sur Amara. Tu ne veux plus la voir s'en aller. Ta veste soudainement retournée. Ta méfiance toujours tenace — mais elle est tout ce que tu as, présentement. Don't leave me, que t'aurais envie de lui souffler.

Please.
Don't leave me.


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Amara Desai
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Dim 25 Juil - 21:39


monsters and demons
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« Which town ? » À l'hostilité que tu perçois dans sa voix, il n'est pas très heureux de ta réponse. Ça ne fait que t'intriguer davantage, qu'il pose une question aussi particulière au sujet de son environnement. What's wrong with this place, que tu veux lui demander ? Mais peut-être que tu n’as pas vraiment besoin. Il semble redouter un endroit en particulier, tu ne saurais pas trop pourquoi. Dans tous les cas, il ne semble pas surpris de débarquer dans la région, et ça t’indique déjà qu’il doit être du coin. Comme toute réponse, tu commences par hausser les épaules. « I don’t really know. Middlebridge, something like that ? » La vérité c’est que tu ne savais plus. Tu avais suivi ton GPS sans te poser de questions. Ne sachant pas le moindrement si ça saurait satisfaire sa curiosité à lui, alors qu’il semble empressé de savoir où il se trouve. Quand il se trouve, aussi. Il accueille cette autre réponse un peu mieux, bien que tu vois le tournis dans son regard. Ce vertige-là, tu le connais, celui du temps qui passe trop vite, qui semble insaisissable, et contre qui on ne peut absolument rien. Car une fois qu’il est passé, inutile d’essayer de le rattraper. Il s’est déjà envolé, n’est que fumée entre les doigts, les cendres contre la langue. Et il ne reste que l’amertume de ne pas avoir pu le saisir. Tu avais fait la paix avec ça il y a longtemps, mais tu as toujours plus ou moins eu conscience de ton immortalité - sans doute que ce n’était pas son cas, à lui.

Akan. Ainsi qu’il s’appelle. Tu ne fais qu’hocher brièvement la tête, au moins contente de pouvoir le désigner par son prénom - et rassurée, aussi, qu’il n’ait pas tout oublié. Ça, ça aurait pu être plus compliqué. Peut-être qu’il ne s’est pas perdu il y a si longtemps. Postée à quelques pas de lui, sans envahir son espace personnel, tu lui laisses le temps de reprendre son équilibre. « I don't know. Feels like centuries. » Tu peux compatir avec ça, mais tu ne dis rien. Lui laisse tailler sa route à travers ses souvenirs brumeux, appréciant la légère brise estivale contre tes joues, provenant des fenêtres brisées, sifflant entre les craques de ce bâtiment qui pourrait très bien vous tomber sur la tête à tout instant. « You said 2019. I died in... I died in 2016. January. » Died. Il en est donc conscient. Conscient d’être mort puis de revenir - voilà qui éviterait encore quelques tourments. Tu es surprise de la manière dont il se tient, tout de même. N’importe qui aurait pu être bien plus confus, bien plus apeuré, bien plus paniqué. Mais Akan, il semble juste avoir mal.
Comme s’il s’était échappé d’un cauchemar,
juste pour se réveiller dans un autre.


« It feels like I've been gone for so much longer. » Tu encaisses son regard sans sourciller, même si au fond de ta poitrine, tu es bouleversée par tout ce qui le traverse. La douleur, la confusion, la colère, la détresse. Tu n’as jamais été en Enfer - et tu ne peux que te l’imaginer. On t’en avait déjà parlé, mais c’était toujours autre chose de voir cette souffrance de manière aussi brûlante. Ça t’adoucit encore davantage, et ton coeur frémit un peu pour cette âme qui croise ta route. « You have. » Que tu lui murmures doucement. Tu ne souris pas, mais tu ouvres tes traits à lui. « You said it feels like centuries. It has been. » Dans les Enfers, le temps s’écoulait atrocement lentement - ça, tu le savais. « But you got out. » You’re far from them, now.
I’m not saying you’re never going back.
I’m not saying you’re safe here.
But you’re out.


Il continue de te regarder. « Why are you here ? » Tu hausses les épaules, et tu secoues la tête. Hasard complet, de te retrouver là, même si tu comprends sa méfiance. « Scouting. I have a thing here, tomorrow. » Tu restes vague, ne l’embarrassant pas des détails. « I was expecting the place to be empty. » Que tu lui souffles le plus simplement du monde, presque avec un sourire. « I can’t, in good conscience, just leave you here. I have an idea of what you feel like. » Tu restes prudente dans chacun de tes mots, sachant que n’importe lequel pourrait le faire reculer. « I don’t live very far away. You can take a shower. Get some new clothes. What do you say ? » Tu lui proposes en toute simplicité - et la vérité c’est que tu ne veux pas vraiment trop t’attarder dans les environs. Ton envie de rester pour la vente complètement envolée, maintenant que tu avais croisé Akan. Tout ce que tu voulais, c’était le rassurer un peu. You died and you came back.
That's no simple thing.
Let me hold your hand for a while,
just until you find your footing.
Your wings might be broken,
but they will heal.



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Dim 25 Juil - 21:40

[ août 2019 / monsters and demons ]

Elle ne prononce pas le nom de Blackwater Falls, et ç'a le don immédiat de te calmer. Connaissant l'endroit et son aimant à surnaturel, y aurait eu toutes les chances du monde pour que tu y atterrisses — mais fallait croire que l'ironie du sort avait pris des vacances sur ce coup. Dernier endroit où t’aurais voulu te retrouver. Là où t’avais rencontré Marsali. Là où t’avais passé tant d’années à ses côtés.
Tu ne voulais pas y penser.

T’es bien vite happé par les questions qu’elle te pose. La temporalité emmêlée, années transformées en siècle, la torture ne t’a pas redonné le sens de la réalité. Ç’a été long. Trop long. C’est tout ce que tu sais. T’en as le corps grinçant, épuisé, le souvenir des brûlures, entailles, démembrements et déchirures trop présent. Tu veux le chasser. Tu veux te concentrer sur autre chose. Comprendre ce que tu as manqué. Un pas à la fois.
Amara est au moins là pour t’aider. Ne cillant pas lorsque tu plantes tes yeux dans les siens. Elle est le roc. Celui auquel tu es en train de naturellement t’accrocher, pour remonter à la surface de ce monde que tu as quitté il y a trop longtemps. « You have, qu’elle te dit. You said it feels like centuries. It has been. » Et ça te perd, autant que ça t’apaise. Mais tu le sais. Tu l’as toujours su. En Enfer, le temps s’écoule différemment. C’est un fait, tous ceux qui y sont passés peuvent en témoigner. Et t’en fais partie, désormais.
Ton monde entièrement retourné.
« But you got out. » You got out. Tu ne sais même pas comment. Ça t’effraie. Ça te perd. T’as rien à quoi te raccrocher. Mais elle a raison : ça pourrait être pire. Tu pourrais encore être en bas. Encore être là-bas.

She’s right.
At least, you got out.


Ça brûle, au fond de toi. Tes mains tremblantes, sous la confusion, la rage, une fatigue que pourtant tu ne ressens pas. Épuisement psychologique, plutôt que physique. T’as cru que ça ne finirait jamais. Maintenant que tu t’en es tiré, tu ressens le blocage se former. Dans ton esprit, dans ton coeur, dans tes tripes. Le corps finalement ressoudé, aucune trace des plaies pour démontrer la torture perpétuelle que tu avais encaissée. C’était une aussi bonne nouvelle qu’une mauvaise.
Y en a qui ont sombré dans la folie pour moins que ça.
Mais pas toi.
Toi, tu t’accrocheras.


Tu choisis de détourner l’attention de toi. La porter vers Amara, ses yeux que tu retrouves après t’en être écarté. Sa présence calme et imposante. Trop pour l’âge qu’elle paraît avoir. Tu le sens. Et ce genre d’instinct ne t’a jamais trompé, de ton vivant. Encore moins maintenant. « Scouting. I have a thing here, tomorrow. » Sa réponse ne te surprend pas particulièrement. Elle a au moins une meilleure raison que toi d’être là. Une raison valable. Explicable. « I was expecting the place to be empty. » T’as les réflexes qui remontent, les questions qui s’empilent. Un choix de ne pas les poser, pourtant. Bloquées dans ta gorge, alors que tu te contentes d’articuler : « It is. » Empty. It’s fuckin’ empty.
Empty like me.
I’m not really here, am I ?


« I can’t, in good conscience, just leave you here. I have an idea of what you feel like. » Ça t’étonne, sur l’instant. Incertain de comprendre ce qui peut bien la motiver. Toujours méfiant, face à la générosité. Si t’étais vivant, peut-être que ç’aurait été différent. « Do you ? » que tu te trouves à demander. La suspicion à l’oeil, sans pour autant trouver défaut à ses intentions pour l’instant. Tout ce que tu sais, c’est qu’elle est vivante. Tu entends son coeur d’où tu es — voit sa jugulaire pulser régulièrement, comme si toute la lumière du monde était braquée sur elle. Et ce n’est qu’à ce moment que tu réalises la brutalité de tes sens. L’agression extérieure, que tu avais pris pour le fruit d’un simple malaise intérieur. Le monde est différent.
Tu l’es aussi.

« I don’t live very far away. You can take a shower. Get some new clothes. What do you say ? » Ça te paraît trop beau pour être vrai — mais après tout, qu’est-ce que t’as à perdre ? T’as bien rien qu’une foutue question qui te vient : « Where do you live ? » T’as l’impression que Blackwater Falls est au coin de la rue. Que tu n’y échapperas pas. Que c’est ton foutu destin. Ça, et les enfers. T’as l’éternité pour y brûler, et à jamais tu y resteras coincé.
Mais t’auras peut-être de la chance.
Là-bas ne sera pas pire qu’ailleurs.
Pas pire qu’en bas.

T’as envie de lui demander ce qu’elle est, mais t’es pas sûr que ce soit la priorité. Pas sûr de vouloir savoir. Il n’était de toute manière rien qu’elle puisse vraiment te faire, non ? Rien de pire que ce que tu avais déjà traversé. Et elle ne pourrait pas te tuer. Ça, c’était déjà fait. Alors tu passes à la suite. Le besoin de comprendre. Besoin de sentir que l’attachement qui était en train de se créer pourrait se faire en toute sécurité. Parce que t’as peur, Akan. Peur d’être lâché dans cette existence que tu ne veux pas affronter seul. Peur de l’inconnu. Ça n’a jamais été le cas par le passé — mais les choses ont bien changé.

Tu peinais à croire à sa pure générosité. T’avais la peur du piège, la terreur viscérale que tout cela ne soit pas réel, de la torture psychologique, et que ton ange gardien deviennent bientôt le pire de tes bourreaux.
La méfiance te tire la peau. Rage tremblante, à l’intérieur de toi. Le mur à ta droite tremble, mais tu ne le remarques pas.
Calme-toi, Akan. Calme-toi.

Tu t’y efforces. Reprenant prise sur la réalité. Sur les cils d’Amara. Sur ses traits doux. Son regard profond. « Why take the trouble ? » To talk to me. To stay here.
To help me.
Why would you do it ?


Confiance rouillée.
Mais si elle se jouait de toi,
Si elle trouvait un moyen pour te renvoyer d’où tu venais,
Peut-être que ce serait mieux comme ça.

Peut-être que tu n’étais pas vraiment censé être là.

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Tu savais ce que c'était, de se sentir brisé. Tu avais touché le fond plus d'une fois, au cours de ta longue vie, tu avais essuyé les pires peines et les défaites les plus brûlantes, et tu avais regardé toute ta vie s'écrouler. Ça n'avait jamais été facile, et jamais ça ne le serait. Car tu savais, au fond de toi, que ça ne ferait qu’arriver encore et encore. La malédiction de l’immortalité, de ne jamais rien pouvoir tenir entre tes doigts éternellement. Tout était éphémère, le temps venait tout ravager, et le destin s’occupait du reste. C’était inévitable et tu l’avais accepté - mais ça ne changeait rien aux douleurs qui s’accrochaient au fond de ta poitrine, et qui continuaient de briser ton coeur déjà trop meurtri. Tu pouvais refaire ta vie à chaque fois, Amara, ça ne changeait pas le fait que tu avais perdu tellement de monde, tu avais aimé jusqu’à t’en écorcher, et tu avais détesté le reflet que te donnait le miroir. C’était un choix de ranger tout ça dans un coin de ta tête - et même plus que ça. C’était une question de survie.

Il finirait par le comprendre. Il finirait par l’essayer, et un jour, peut-être, s’il avait de la chance, ça deviendrait un automatisme. Accepter la cruauté du temps, alors qu’on a pas la mort à redouter. Ça serait encore pire pour lui - car Amara savait qu’un jour, son heure viendrait. Akan était déjà condamné. Ses morts ne signifieraient que le début des horreurs, encore et encore. Tu inspires profondément, en essayant de ne pas trop y penser. Pas ta place, de prendre son fardeau. Tu pouvais l’aider à le comprendre, le soutenir quelque temps avec lui, mais ça serait un jour à lui de prendre la relève - et il paraissait solide. Il y arriverait. Ton instinct te le murmurait déjà.

Tu comprends sa méfiance. Son hostilité. Il serait un idiot de ne pas être prudent et de croire à tes bonnes intentions sans les questionner. Alors tu encaisses sans sourciller, quand il hisse entre ses dents. « Do you ? » Tu ne fais que l’observer en retour. Et tu réponds, avec toute la solidité du monde. « Yes. » Pour un tas de raisons différentes, tu savais exactement ce qu’il traversait. Par les vies que tu avais mené, par ta nature même de créature, par tes épreuves et tes rencontres. Et pour un tas d’autres, tu n’avais aucune idée de ce qu’il était en train de vivre - mourir, puis revenir. Des siècles de torture, dans les flammes, à ne faire que souffrir. Le choc devait être profondément bouleversant. Et il se débrouillait plutôt bien, tu trouvais.

Mais tout le monde avait besoin d’une main tendue, de temps en temps. Peu importe la force d’un coeur, peu importe la résilience d’une âme, l’aide était nécessaire, parfois. Tu le savais aussi. Ça ne te coûterait rien, de lui proposer ton aide. Au pire, il s’en prendrait à toi - et ça ne voudrait que dire que ton heure était venue. Mais tu avais aussi appris à faire confiance à la bonté des gens, et à écouter ton instinct. Quelque chose chez Akan te rappelait un peu toi-même, te rappelait même Leroi, te rappelait ces âmes que tu avais pu aider. Tu voulais l’aider - sans comprendre pourquoi. Peut-être parce qu’on avait fait preuve de gentillesse à ton égard par le passé, et qu’un peu d’indulgence pouvait tout changer. « Where do you live ? » Tu comprends ses questions. « A couple of towns away. Blackwater Falls. » Tu as la sensation que quelque chose s’électrise dans l’air, et qu’il ne va pas aimer ta réponse. Mais c’est la vérité, et s’il décide de ne pas te suivre, alors tu auras au moins essayé.

« Why take the trouble ? » Tu glisses tes mains dans tes poches, ne bougeant pas d’où tu te tiens. Les pieds dans le sol, les traits toujours aussi calmes, et tout le temps du monde. Un avantage de l’immortalité - tu étais rarement pressée. « People have been kind to me before. And sometimes it goes a long way. » Tu hausses légèrement les épaules. « I understand if you don’t trust me. I mean, I could be lying to you. » À propos de qui tu étais, de pourquoi tu étais là. « But I don’t like to waste time on lies. And that is saying something, because I have plenty of time on my hands. And like I told you… » Tu inspires profondément, observant les alentours. « I can imagine the pain you’re in. I’ve never been in your situation, but I’ve seen bad. » Ton regard se perd un bref instant, avant que tu ne reviennes vers lui. « I can help you. But if you want me to walk away, I will. » Tu désignes l’extérieur du bâtiment. « My car is right there. I can drive you wherever you want. But I have space, just for you to get back on your feet. And whatever you decide, you don’t owe me anything. » The right kind of kindness is free, Akan.
Even in this cruel, cold world.
Let me help you.
Let me ease your pain, even just for a little while.



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[ août 2019 / monsters and demons ]

« A couple of towns away. Blackwater Falls. » Tu t’y attendais. Ça devait sortir, un jour ou l’autre. Cette foutue ville à laquelle tout te ramènerait, pour l’éternité. Parce que c’était Marsali. Ta mort, ta vie. Tous les chemins te pousseraient vers elle, et tu ne pourrais jamais y échapper. À peine sorti du fond de l’enfer, tu devais t’y résigner. Mais ça te reste sur la langue, te colle au palais. La colère, féroce, fait trembler les murs autour de vous jusqu’à ce que tu réussisses à la ravaler. À accepter cette foutue fatalité, pour mieux passer au reste. À ta méfiance.
À ton besoin de comprendre ce qu’elle te voulait.
Pourquoi elle faisait ça.
Tu peux pas m’en vouloir, Amara.

Elle ne flanche pas. Les mains dans les poches, le corps détendu. Calme. Tu ne l’impressionnes pas. Ne l’effraie pas. Y a pas de méfiance réelle face à ce que tu pourrais lui faire. Et ce simple fait suffit à te rassurer. « People have been kind to me before. And sometimes it goes a long way. » Tu la crois. Tu te souviens de ce qu’est la générosité, même si ton esprit reste embrumé par les longs siècles à être torturé. Dans les mots doux d’Amara, dans sa décision de t’aider, tu retrouves cette familiarité. L’altruisme. « I understand if you don’t trust me. I mean, I could be lying to you. But I don’t like to waste time on lies. And that is saying something, because I have plenty of time on my hands. And like I told you… I can imagine the pain you’re in. I’ve never been in your situation, but I’ve seen bad. » Tu n’apprécies que trop sa sincérité. L’aisance avec laquelle elle se remet en question, et l’efficacité avec laquelle elle se connaît. « I can help you. But if you want me to walk away, I will. » Tu l’écoutes, et tu ne sais plus ce que tu veux. Noyé dans ses mots, dans ta douleur qui revient en vagues, ta colère qui ne reflue jamais entièrement. Tu voudrais être capable de t’en débarrasser. Mais une part de toi sait que ça n’arrivera plus jamais. Que ton monde a changé, ta nature aussi, et que tu es désormais mû par quelque chose que tu ne peux plus tout à fait contrôler.

« My car is right there. I can drive you wherever you want. But I have space, just for you to get back on your feet. And whatever you decide, you don’t owe me anything.  » Elle a pointé l’extérieur. Et tu as envie de la croire. Tu as envie de te laisser aller. Tu as envie de souffler. Tes yeux balaient la pièce autour de vous. S’éloignent d’elle un instant. Tu veux comprendre. Tu veux retomber. Tu veux que tout s’arrête. Tu voudrais ne plus exister.
Être mort, pour de vrai.


« What are you ? » Tes pupilles sont noires. Trop noires. Tu ne le comprends pas. Aucune conscience de ce qui émane de toi. Mais tu sais que tu es différent. Tu refuses de le nommer, refuses même d’y penser, mais tu ne peux entièrement le nier. Tu as vu le monde trembler autour de toi. Tu commences à comprendre, au fond de ton coeur, que c’est lié à toi. Que tu es responsable de tout ça. Ça te donne envie de hurler. De faire éclater le monde, disparaître la réalité. Mais ça ne fonctionne plus comme ça, désormais. Tu n’es plus au fond des enfers. Tu es revenu sur Terre. Toujours prisonnier.
Et Amara n’a pas peur. Amara n’est pas impressionnée. Amara admet avoir trop de temps pour elle, mais tu sais qu’elle n’est pas décédée. T’es rouillé. Tu as besoin qu’elle t’aide à retrouver ce qu’il faut. Les mots. Sa nature. « Tell me. » T’as besoin de savoir. Parce que tes instincts de chasseur mêlent la rage à la panique. La méfiance à la peur. Tu commences à admettre que tu peux lui faire confiance, mais c’est contre-nature. Trop de choses ont changé. Et tes derniers mots ont été murmurés. Une supplication, bien plus qu’un ordre, alors que tu as besoin de nouvelles prises pour une nouvelle réalité.

« I’ll go with you. » Tu prends la décision sans trop savoir pourquoi, ou comment. Parce que plus rien ne fait de sens — mais que dans ce chaos sans queue ni tête, Amara te donne l’impression d’un semblant de stabilité. Tu veux la croire. Tu la crois.
Tes yeux noirs plantés dans les siens.
Ton corps peu à peu détendu. Tu te laisses aller.
À la confiance. À cette nouvelle réalité.

À Amara, et à ce qu’elle t’offrait.
Une chance de te relever.

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Amara Desai
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Ses yeux sont toujours aussi noirs. Profonds, égarés, colériques. Tu devrais te méfier - tu ne devrais pas ainsi lui offrir ta générosité. Pendant longtemps, tu ne l'aurais pas fait. Tu aurais tourné les talons en le laissant derrière, sifflant entre tes dents que le monde était cruel et que parfois, il fallait apprendre par soi-même. Sauf que tu avais changé, depuis le temps. On t'avait tendu la main, et tu avais trouvé une famille. Tu avais développé des instincts que tu n'aurais jamais cru posséder, ceux de protéger, ceux de préserver la vie. Cette dernière était précieuse, même pour les immortels, même pour les âmes déjà perdues. Le passé t'animait, mais c'était dans le présent que tu voulais vivre. L'avenir viendrait inévitablement, et tu essayais de ne pas trop t'y attarder. Pour ça, pour autre chose, pour rien du tout, tu voulais tendre la main à Akan. Lui apprendre à canaliser cette noirceur dans son regard, de toutes les manières possibles, et ainsi peut-être lui offrir une véritable deuxième chance. Une nouvelle vie. Il était encore plus damné que toi - autant lui offrir des premiers pas un peu plus stables. Alors tu lui fais ta proposition, et tu le toises en attendant de voir ce qu'il va décider. Aucune impatiente dans ton regard, le calme absolu, comme une mer à laquelle on a offert un peu de répit. Les vagues reviendraient, tu le savais - mais pour le moment, tu profitais de cette douce accalmie, les orteils dans le sable humide, à sentir le soleil sur ta nuque.

« What are you ? » C'est une question légitime, et même si tu considères que ce n'est pas vraiment le moment, tu comprends qu'il veuille le savoir. Il a bien compris que tu n'étais pas humaine - et peut-être que tu lui dois au moins ça. Qu'il sache qui tu étais, d'où tu venais. Mais quelque chose te fait hésiter. Peut-être parce que tu n'aimes pas tellement révéler ta nature. C'était une sensibilité, pour toi. Une vulnérabilité - c'était comme se mettre à nu, et être cruellement honnête. Alors tu plisses légèrement des yeux, peut-être avec l'envie de dévier le sujet. Mais la voix d'Akan claque à nouveau dans l'air. « Tell me. » Tu le comprends. Si tu veux l'aider, il faudra lui montrer. Ça te fait pincer des lèvres, légèrement, et tu es presque tentée de changer d'avis. Tu inspires profondément, et tu sais que tes prochains mots seront déterminants. Mais tu ne peux pas te résoudre à faire ça ici et maintenant - pas au milieu de nulle part, pas où n'importe quel regard peut se poser sur vous, pas alors que tu le connais si peu. Alors tu pèses tes mots. « Not here. » Que tu lui souffles. Tu ne veux pas paraître trop méfiante - tu n'es que prudente. Réservée, sur ce côté de toi qui t'appartient à toi-même avant le reste du monde. « But I can tell you that I've lived a very long life and yet never died. » Ça saura lui donner quelques pistes sans trop lui révéler, et sans te mettre trop en position vulnérable. « When it's safe, I'll show you. » Tu hoches la tête, comme si ça signait un contrat silencieux entre vous.

Tu t'attends un peu à ce qu'il se braque, mais ses mots te surprennent. « I’ll go with you. » Ça fait courber tes lèvres, sur tes traits. Sourire doux sans aucune implication, alors que tu acquiesces pour lui faire comprendre que tu as bien entendu. « Good decision. » Car rester là, dans ce bâtiment abandonné au milieu de nulle part, voilà qui était une très mauvaise idée. « But before we go, we need to take care of those. » Tu fais un pas prudent vers l'avant, pointant tes propres yeux pour désigner les siens. « I don't mind them, but they might raise eyebrows. Close your eyes. » Ta voix reste calme et posée, et tu continues de l'observer. Des traits jeunes, des cheveux sombres - qu'est-ce qui se cache derrière cette noirceur ? Tu inspires profondément, lui sommant de faire de même. « Slowly breathe in. Count to three, and breathe out. » Que tu lui souffle, plus douce que jamais. Tu ne le touche pas, mais tu restes près. « Let go of the fear. Of the anger. Don't let them control you - control them. You can. Your body is your own, now. » Tu l'observes, alors qu'il semble écouter ses indications. Tu espères seulement que ça sera suffisant - mais tu prendras le temps qu'il faut. Tu laisses passer un long moment, laissant le silence faire son oeuvre. « Open your eyes, now. How do you feel ? » Que tu demandes finalement au bout d'un moment.


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Dim 25 Juil - 21:41

[ août 2019 / monsters and demons ]

Tu vois l'hésitation passer, dans ses yeux. L'espace d'un instant, tu te demandes si elle ne va pas changer d'avis. Te planter là plutôt que de se révéler. T'abandonner. Ton seul lien avec le monde, soudainement coupé. Ce serait peut-être mieux ainsi. Seul, pour ne blesser personne. Seul, pour apprendre à te connaître. À te gérer. À faire taire cette colère que plus rien ne semblait satisfaire. L'Enfer seul savait ce qu'il avait recraché.
Ce en quoi tu t'étais transformé.


Mais elle te surprend, une fois de plus. Dans sa détermination autant que sa générosité. Dans les mots qu'elle choisit d'employer. « Not here. » souffle-t-elle — et tu comprends ce que ça veut dire, sans te l'expliquer. L'endroit a beau être reculé, vous êtes à découvert. N'importe qui pourrait arriver. Déjà être là, et vous observer. Le monde est trop cruel. Trop dangereux. Rempli de menaces, pour les gens comme elle. Surtout dans cette foutue région. Et une part de toi comprenait. Pour en avoir fait partie, pour avoir été de ceux qui traquaient, se faisaient discrets, menaçaient, attendaient la moindre faiblesse et tuaient.
Tu comprenais.

« But I can tell you that I've lived a very long life and yet never died. » Elle te donne quelques cartes à trier, et ton esprit ne met pas longtemps à retrouver la gymnastique qu'il avait pratiquée durant tant d'années. Depends what she means when she says long. Mais tu pouvais déjà écarter la carte des démons. Des fantômes. Des vampires. De toute réincarnation exigeant la mort. Comme toi.
Frisson spontané, même si tu n'as pas froid. Tu la fixes. Tes lèvres ne bougent pas. Tes émotions continuent de bouillir sous la surface que tu parviens à garder calme. « When it's safe, I'll show you. » Tes options se réduisent — mais son regard calme et intelligent t'aide plus qu'autre chose. T'as une idée sous la peau, au fond de l'esprit, mais tu ne prononceras pas le mot. Elle préfère le garder pour un peu plus de sécurité, et tu le respecteras. Tu peux bien lui donner ça.

C'est cependant suffisant pour que tu acceptes de la suivre. Tes mots soulignent ton acceptation du contrat et de ses conditions. Tu crains que tes jambes ne te portent pas sur la distance, mais tu te trouves à les activer, en une seconde de sur-place, sans trop de difficultés. Peut-être que t'es dans un état moins lamentable que tu ne le croyais. La peau grince moins. La douleur fantôme semble s'être résorbée, chassée par les mots apaisants d'Amara et l'énergie qu'elle dégageait. « Good decision. » qu'elle te répond. Et tu ne réagis pas. Tes yeux sondant les siens, ton esprit ne comprenant pas pourquoi vous n'êtes pas déjà partis. Tu ne veux pas rester là.

« But before we go, we need to take care of those. » Elle s'approche de toi, et tu as le réflexe de reculer. Pointe ses yeux, et après une seconde tu comprends qu'elle réfère aux tiens. Tes yeux ? Quelque chose se brise, au fond de toi. Les points que tu avais refusés de relier. Les murs tremblants, fissure au plafond. Pas de chaud, pas de froid. Pas de faim, pas de sommeil. Pas de marques sur ton corps. Les Enfers qui t'avaient léché à répétition. Tes yeux.
Tu sais.
Tu sais, mais tu ne veux pas l'avouer.

Tu sais.

« ... I don't know how. » réponds-tu finalement. Tu secoues la tête, très légèrement. La détresse dans ton regard de jais. Dans ta voix tremblante de devoir accepter une terrible vérité. Tes yeux. « I don't mind them, but they might raise eyebrows. Close your eyes. » They're black, aren't they ?
Black as the night.

Dark as hell.


Tu hésites, mais tu finis par suivre sa directive. Les paupières closes. Le monde disparaît. Tu ne te souviens pas avoir cligné des cils une seule fois depuis que tu t'es réveillé. Un instant de panique. Malaise léger. Mais la respiration d'Amara, calme et profonde, à quelques pas de là, te ramène à elle. Te ramène à toi. « Slowly breathe in. Count to three, and breathe out. » C'est stupide. Si stupide. Tu as envie de rouvrir les yeux, d'éclater, de balayer l'exercice d'un revers de main et de t'en aller. Mais tu n'as pas de meilleure solution. Tes poumons ne sont ni vides ni pleins, et tu les forces à prendre l'air dont ils n'ont pas besoin. Réponds à l'exercice, docile. La voix douce d'Amara pour te guider. Enveloppante. Et tu sens sa chaleur, proche de toi.
Cette fois, tu ne recules pas.

Tu inspires, comptes jusqu'à trois puis expires. Répètes l'exercice à plusieurs reprises, et sens alors d'instinct le flux négatif de tes émotions s'apaiser. Se lisser, suffisamment pour que ton corps redevienne ton allié. Ta tête, un outil digne de confiance. Jugement moins obscurci. Tu vas t'en tirer. « Let go of the fear. Of the anger. Don't let them control you - control them. You can. Your body is your own, now. » Tu lui aurais ri au nez, il y avait plusieurs années. Plusieurs siècles, à en croire la souffrance que tu avais traversée. Mais tu ne le fais pas. Changé. Sans la moindre idée sur cette seconde vie dans laquelle tu te retrouvais projeté. Incapable de te contrôler. Tout à apprendre. Et une âme assez généreuse pour se proposer de te guider.

Tu sens tes muscles se détendre. Forces tes poumons à un exercice face auquel ils ne protestent pas, dans le silence et la paix qu'elle avait laissés se créer. La peur ne disparaissent pas, mais se terrent assez pour que tu puisses sentir le monde moins hostile, autour de toi. I think I did it, Amara.

« Open your eyes, now. How do you feel ? » Tu t'exécutes, après une dernière expiration. Le raz de marée calmé. La normale assez revenue pour que tu puisses sentir que quelque chose a changé. Ça demandera encore du temps et de la patience. De l'exercice. Tu le sais. Mais c'est un début. « Better. » admets-tu. Tu repenses à tes cils, en clignes à quelques reprises. Une pensée revenant avec un peu plus de ténacité. Tu hésites un peu avant de parler, trébuches dans tes mots, mais tu as besoin de savoir. « ... How are my eyes ? » Did I do it ? Did I bring them back to normal ?
Back to what they're supposed to look on people ?


Ton coeur ne bat pas, mais tu pourrais presque le sentir, échoué au bord de tes lèvres. Suspendu à celles d'Amara. À ses yeux doux, et à ce visage auquel tu raccrochais désormais tout. Seule bouée, dans ce monde qui s'était débarrassé de toi sans pitié. À ce charme que tu lui lisais, sans trop de difficultés. I will never be able to thank you properly, but I'll try.

I'll try.

Seems like I have eternity to do so, now.


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Tu te tiens là, fière, méfiante. Incertaine de ce que tu es en train de faire, de si tu prends la bonne décision. Mais la vie t'a bien appris que prendre des risques pouvait payer, parfois, et tu penses bien que tu t'en vas dans la bonne direction. Malgré la noirceur dans les yeux de cette nouvelle rencontre, de cette âme visiblement égarée qui n'avait besoin que d'une main tendue pour avancer, tu faisais confiance en ton instinct. Ce dernier t'avait rarement trompé, après tout. Il semble accepter ta justification, au moins. N'insiste pas à ce que tu lui dises ce que tu es, révélant une partie de toi qui t'étais trop précieuse pour en faire n'importe quoi. Tu en es soulagée, et ça te donne encore bon espoir que tu fais la bonne chose.

Akan, qu'il s'appelle. Tu te le répètes en t'approchant, en observant un peu mieux ses traits, bien que ces derniers soient toujours dissimulés par la pénombre de votre environnement. Tu regardes son nez, la courbe de sa mâchoire, l'angle de ses yeux. Il a des traits doux, malgré le gouffre que constitue ses yeux - mais son véritable regard est juste-là, en dessous, et tu peux l'aider à le trouver. « ... I don't know how. » Sa voix se brise presque - il s'ouvre à toi, parvient à montrer de la vulnérabilité. Une bonne chose, si tu veux pouvoir lui apprendre quoi que ce soit. Alors tu essaie de le guider du  mieux que tu peux, allant chercher au fond de toi une patience et une douceur que tu sais que tu possèdes. Des parties de toi que tu ne montres pas le moindrement à quiconque - mais à Akan, tu décides de le faire, sans trop te l'expliquer. Il t'écoute, paupières fermées, et tu continues de lui murmurer des indications. Autour de vous, le vent souffle doucement, brise fraîche de l'été qui tire à sa fin. La lune qui brille, non loin. Et c'est presque paisible, pour la première fois depuis que tu as croisé son regard.

Tu es patiente. Tu le laisses prendre le temps qu'il le faut, jusqu'à ce qu'il rouvre lentement les paupières. Et malgré la nuit qui vous enveloppe, tu vois le brun chocolat. Des éclats dorés, probablement, quand le soleil doit s'y déposer. Tes lèvres se courbent légèrement. « Better. » Il cligne des yeux - une habitude que les humains n'avaient jamais à apprendre. « ... How are my eyes ? » Tu lui souris presque d'un air taquin, alors que tu laisses un léger battement passer. « Beautiful. » Tu espères que ça va suffisamment répondre à sa question, et lui en dire assez. Tu ne le lâches pas des yeux, ton sourire courbant toujours tes lèvres. « Like a doe's. » Tu l'agaces un peu, mais tu ne peux pas t'en empêcher.

Tu désignes l'extérieur du bâtiment d'un signe de tête, l'intimant à te suivre. « This way. Let's go. » Nul besoin de s'attarder dans cet endroit franchement plutôt glauque. Tu mènes la marche jusqu'au grand terrain vague qui entoure l'immeuble abandonné, et tu lui pointes ta voiture, garée pas trop loin, un Lexus LC 2019 d'un noir discret. « That's my car. C'mon. » Tes talons grincent légèrement contre les cailloux, mais ta démarche est stable. Tu t'assures qu'il ne reste pas loin de toi, lui jetant des brefs regards de travers - comme un enfant faisant ses premiers pas. Une fois à ta voiture, tu déverrouilles les portières et tu le laisses embarquer du côté passager. Ta propre portière claquée, le moteur démarré, et tu lui souris. « Seatbelt, please. Safety first. » Que tu lui demandes malicieusement. « Are you hungry ? Can't remember if you guys eat. » Que tu souffles tranquillement, appuyant sur l'accélérateur pour finalement quitter cet endroit.

Direction Blackwater Falls.

-- @akan mohren  :keur:

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Dim 25 Juil - 21:42

[ août 2019 / monsters and demons ]

« Beautiful. » qu'elle te dit. Puis, elle te sourit. Ça te réchauffe un coeur qui ne bat plus — qui restera figé à jamais. Tu ne saurais l'expliquer. Rassuré, de comprendre que tout est revenu à la normale. Que t'es presque humain, désormais. La vérité, tu ne veux pas y penser. La gardes pour le moment sous clé. Profitant du positif qu'Amara continue de distiller dans tes veines, à chaque souffle qu'elle pousse. « Like a doe's. » Tu en souris. Instinctivement, sans trop comprendre ce qui te prend. Ça vient naturellement — des mots qui te ramènent à une époque que tu avais crue complètement révolue. « So I've been told. » que tu lui réponds, le plus simplement au monde. Yeah.

I've been told.


Ça suffit à te calmer assez pour que tu te sentes prêt. Quand elle te désigne l'extérieur du bâtiment, tu n'hésites qu'à peine. Envie de sentir le vent contre ta peau. De revoir les yeux fuyants des passants, de sentir le monde grouiller. Vivant. Ça t'angoisse autant que tu en as hâte — mais Amara est là pour poser les pavés et te guider. Tout va bien se passer. « This way. Let's go. » Tu lui emboîtes le pas sans tergiverser — refusant d'être davantage un poids. Tes jambes te portent mieux que tu ne le croyais, et chaque seconde te fait un peu plus oublier l'Enfer où tu as passé les quatre cents dernières années. À l'extérieur, une bourrasque te pousse les cheveux. Tu les laisses voler, fermant les paupières pour inspirer un instant cet air chaud et pesant, plus frais que tu ne te souvenais. Tu ne traînes pourtant pas, continues de marcher et de la suivre jusqu'à la voiture qu'elle te pointe, un peu plus loin. « That's my car. C'mon. » Un sourcil haussé. Tes marques dans la réalité vite reprises. « Nice ride. » que tu lui lâches. Tu ne sais pas d'où la désinvolture vient. Ta voix se dérouille un peu plus à chaque mot, et ton esprit la suit. Lentement mais sûrement, les stimuli du monde qui t'entoure te distraient. Tirent tes pensées loin des souvenirs de torture qui tirent encore tes muscles ankylosés par le traumatisme. Tu revis. Sans souffle, sans coeur pour pulser. Mais tu revis. Loin de la table et de ses vis, loin de tout ce qui t'avait fait hurler pendant toutes ces années infernales.
Tu revis.

Tu sens qu'elle te regarde, régulièrement. S'assure que tu es bien toujours là, derrière elle. Que tu ne te volatiliseras pas. Que tu ne t'écrouleras pas. T'en fais rien. Ignores ses coups d'oeil répétés, trop captivés par tout ce qui avait été pris pour acquis mais qui redevenait nouveauté. Tu la laisses déverrouiller les portières, et grimpes du côté passager. L'odeur des sièges en cuir, du véhicule soigné. Le contact fait frotter tes vêtements contre ta peau, et tu grinces un instant. Les regardes, avec la hâte nouvelle de t'en débarrasser. Tes poings se serrent, et tu t'égares un instant. Plus de sourire. Une ombre dans tes yeux. Reviens, Akan.

« Seatbelt, please. Safety first. » Amara a les mots qu'il faut. Tu relèves vers elle un oeil surpris, avant de chasser les mauvais souvenirs qui s'accumulaient. Sa voix. C'est sa voix. « I don't think it matters anymore. » T'essaies encore de comprendre. Soudainement incapable de te rappeler de ce que font ceux comme toi — incapable d'assumer ton passage dans une autre classe naturelle. Mais tu te souviens être déjà mort. Peu probable que tu repasses par là un jour. « ... But I guess it would be difficult to explain that to a cop, yeah. » que tu consens rapidement. Tout tourne vite, au fond de ton crâne — mais tu te contentes d'enclencher la ceinture de sécurité. There you go. T'avais, au fond, jamais eu l'intention de protester. Et alors que tu regardes le véhicule démarrer entièrement autour de toi, ta seule crainte est de tout faire disjoncter. Va falloir que tu respires comme elle t'a appris.
Ça va être le seul moyen de ne pas tout faire éclater.


L'habitacle s'est refermé autour de vous. Chaque mouvement dans ton fauteuil fait frotter ton t-shirt et tes jeans contre ta peau — et la ceinture glissant le long de ton cou n'arrange rien. Tu l'écartes, regardes vers l'extérieur. Sans besoin de respirer, tu étouffes tout de même. Difficile à expliquer. Tu ouvres la fenêtre, sans trop lui demander son avis. L'air poussé par le vent suffit à t'apaiser, et tu déplies ton poing serré. Étales tes doigts sur ta cuisse. Ils frottent doucement le jean, s'arrêtent sur ton genou. Au fond de ton esprit, tout continue de tourner. Spirale à t'en donner le vertige, que la voix d'Amara n'atténue qu'à peine. « Are you hungry ? Can't remember if you guys eat. » Vous êtes en train de quitter le parking. Tu regardes le paysage bouger, essayant d'aligner suffisamment tes pensées pour lui répondre. Connexion avec ton corps difficile à doser. Are you hungry ? « I'm not hungry. » Ça tombe comme du plomb, serres ta gorge, t'étouffes à nouveau.
Respire, Akan.

Tes yeux restent sur l'extérieur. Loin d'Amara. T'essaies de ne pas laisser les émotions négatives remonter — l'air aide. « But if you need to eat, I can try. » Tu doutais que ça changerait quoi que ce soit à ta situation, ou à ta constitution. L'absence de faim, de fatigue, de chaud ou de froid t'indiquait que tu n'en avais probablement pas besoin — mais peut-être que le plaisir de la bouffe te serait toujours accessible. Pour c'que t'en savais.

« How far are we from Blackwater Falls ? » Tu te sens comme un enfant, à peine parti et désireux de savoir quand il serait arrivé. Mais l'inconfort du petit habitacle est réel — et t'as pas grand chose pour te changer les idées. Anxieux à remettre les pieds dans cette ville où tu avais passé plusieurs années. Et si on te reconnaissait ?
Est-ce que Marsali vivait toujours dans le coin ?
Et si tu la croisais ?

Et si ?


Tu fermes les yeux, expires longuement. L'anxiété cesse sa propagation dans tes muscles, et ton poing naturellement crispé s'ouvre à nouveau. Respire, Akan.
Respire.
Il peut plus rien t'arriver.
T'es sorti.

T'es presque rentré.

Retour à la case départ, mais tout a changé.

Respire.
Rien ne servira de t'énerver.

Ils peuvent plus te toucher,
Et Amara ne te laissera pas tomber.


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Amara Desai
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Dim 25 Juil - 21:42


monsters and demons
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« Nice ride. » Ça te fait sourire. Il est vrai que tu t'étais un peu gâtée, avec ta dernière voiture. Tu n'avais pas toujours des goûts particulièrement luxueux, pas pour beaucoup de choses - mais cette vie que tu avais construite dans les environs te permettait de posséder ce genre de choses, alors tu t'étais dit, pourquoi pas ? Une jolie voiture, un appartement qui l'était tout autant, tu savais apprécier la qualité et tu ne regardais pas tellement l'argent que ça impliquait. Encore plus que le temps, l'argent était éphémère. Tu avais vécu la richesse, tu avais vécu la misère. Aucun n'était vraiment mieux que l'autre, au final - mais il était vrai que tu aimais bien les petits luxes que tu t'offrais, ces derniers temps. Ton sourire reste accroché à tes lèvres, alors qu'il s'installe dans la Lexus, et qu'il ne semble pas trop comprendre pourquoi tu lui demandes d'attacher sa ceinture de sécurité. Tu restes patiente, lui laissant le temps de prendre ses marques. Everything is pretend, in this world, Akan.
You'll get it now more than ever.


Bientôt, vous êtes sur la route, et tu observes le paysage défiler contre tes phares allumés. Tu sens l'inconfort du démon à tes côtés - mais tu sais que tout prendra du temps. S'adapter n'était jamais facile. Toi-même, tu avais du mal, parfois. Mais il y arriverait. Tu lui laisses un peu de silence et de tranquillité, ne conduisant pas trop vite pour ne pas le brusquer non plus. Un peu d'air qui vient de la fenêtre, pour balayer l'intérieur de la voiture. « I'm not hungry. » Tu lui jettes un bref regard, en hochant la tête. « But if you need to eat, I can try. » Tu tournes le volant alors que vous prenez un virage, restant dans ton calme habituel. Laisse-toi le temps, Akan. « I'm fine. » Tu t'étais nourrie quelques jours auparavant - et tu savais que ton réfrigérateur n'était pas le moindrement vide. La noirceur profonde, partout autour, qui pourrait te donner si facilement le vertige. « How far are we from Blackwater Falls ? » Tu hausses légèrement les épaules, appréciant la conduite. Un plaisir que tu n'avais pas connu pendant si longtemps - mais une fois que tu avais eu ton permis, tu t'étais bien amusée à essayer de conduire un peu tout ce qui existait. La liste n'était pas complétée, mais tu en avais bien l'intention. « About an hour. A little less. » Que tu lui indiques. Ça prendrait trois quarts d'heure à atteindre la ville, quelques minutes de plus pour son appartement. La route pas tellement longue, mais ça devait être beaucoup pour Akan à la fois. Tu le sens se tendre à tes côtés, des bouffées d'angoisse qui semblent se répandre dans la voiture, et tu lui jettes un regard.

« Breathe. » Que tu lui souffles. « Remember what I told you. » Ta voix est douce, ta conduite aussi. La route est belle, pas trop trouée, et permets à la voiture d'avancer presque sans se faire bousculer. « We'll be there before you know it. » Tu lui souris un peu, et une idée te traverse en regardant ton tableau de bord. Tu lui désignes ton sac à main, posé à tes côtés. « Take my phone in there, will you ? Put on some music. Anything you like. » Tu hausses les épaules - toi, tu pouvais écouter un peu n'importe quoi. Tu allumes la radio pour que le contact se fasse entre les appareils, et tu laisses Akan découvrir ton téléphone. « I bet there's a few albums you'll be keen to hear. » Tu lui souris, essayant de le ramener à la simplicité des choses. Small things, Akan, when the big ones start to suffocate you.
Focus on the small things.
The music.
The trees.
Your breathing.

And I'll drive you safely.


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Akan Mohren
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Dim 25 Juil - 21:42

[ août 2019 / monsters and demons ]

« About an hour. A little less. » A little less. C'était déjà trop. Trop pour ta tête encore rayée, ton corps coincé dans une boucle de malaise qui peinait à se briser. Beaucoup trop. Tes vêtements te brûlaient, l'enfermement te flanquait la nausée. Ton corps ne souffrait pas, mais ton esprit lui infligeait les mots sans discrimination. Souffrance et perdition. Ce serait désormais ton éternelle condamnation.

« Breathe. » Ton poing s'était instinctivement resserré, une nouvelle fois — jusqu'à Amara. Sa voix te parvient, et tu te crispes. Serres les dents. Fermes les yeux, un instant. Te forces à apprécier le calme du vent sur tes traits, le crissement des pneus sur l'asphalte. La chaleur d'Amara, à tes côtés. T'es pas en danger. « Remember what I told you. » I remember.

I remember.


Tu laisses le temps passer. Tes doigts se sont étirés pour s'enrouler autour de ton genou. Tu rouvres les paupières, contemples le paysage qui change, la route qui s'extirpe de la ville. Et ça va mieux. La panique contenu, par la voix à tes côtés et l'attention qu'elle ne relâche pas. Elle t'a promis qu'elle ne te laisserait pas tomber. « We'll be there before you know it. » Tu lui jettes un coup d'oeil, remarques son sourire. Hoches la tête en le lui rendant, pudique mais reconnaissant.

Tu baisses les yeux vers le siège, te penches pour trouver le levier caché en-dessous. D'un mouvement simple, presque par réflexe, tu l'actionnes et le siège recule. Laisse la place à tes jambes de s'étirer davantage. À l'enfermement de devenir un peu supportable, tandis qu'Amara ne peut réellement se détourner de la route, à côté de toi. « Take my phone in there, will you ? Put on some music. Anything you like. » Tu l'observes, incertain. Hésitant à t'exécuter. Elle prend cependant les devants, allumant la radio pour confirmer le projet. « I bet there's a few albums you'll be keen to hear. » « ... Alright. » Tu capitules et, avec une pudeur renouvelée, fouilles dans son sac à main un bref instant avant d'en tirer le petit appareil. Bien plus élaboré que tout ce dont tu te souvenais. T'en as un sourire un peu plus franc, amusé. « Wow. Apple really gave it an effort. » Tu retournes l'appareil pour l'examiner. Appuies sur l'écran à défaut de voir un bouton — et on t'indique que ton visage n'est pas reconnu. Les sourcils écarquillés, la mine franchement estomaquée. « Facial recognition ? Really ? » Tu tends l'appareil vers elle. Les pensées concentrées vers cette nouvelle découverte qui te plaisait, et qui suffisait à te déconnecter. Une chose à la fois.
Regarde comme le monde autour de toi a changé.


« I need you here. » Tu places l'appareil face à elle, assez pour qu'il accepte de se déverrouiller. Puis tu trouves l'application sans difficulté. Commences à naviguer, perdu dans l'immensité de la musique qui s'offre à toi. Par où commencer ?
Trois foutues années à rattraper.


Un nouveau vertige te prend, et tu fermes les yeux. Gardes l'appareil contre ta jambe, un instant. Le vent contre ta peau fait refluer la férocité de tes émotions négatives. Une chose à la fois.
Elle a bien de la musique de 2016 et avant, non ?

Et c'est ce sur quoi tu choisis de te concentrer. Trouvant la liste des artistes pour y voir des noms de plus en plus familiers. « Oh. Oh, yes. » L'empressement te gagne en même temps que la joie. Tu vérifies le niveau du volume de la voiture, puis enfonces ton doigt pour lancer l'album de Creedence Clearwater Revival que tu as trouvé. Bad Moon Rising s'élève dans la voiture, et t'en as le sourire qui remonte aux oreilles. Incapable de te retenir d'osciller dans ton siège, la mélodie au bord des lèvres. « Oh it's been a while. » Tu ne tardes pas à reporter tes yeux sur l'écran, continuant ta promenade dans le répertoire d'Amara. Et t'as l'impression d'apprendre à la connaître un peu plus, à chaque nom qui se dévoile. « You've got some pretty awesome stuff in here. » Ton coude se cale contre la portière, contre laquelle tu t'appuies nonchalamment. À l'écran, les artistes défilent et tu les imprimes. Fasciné, l'attention entièrement happée. En paix. « Got a favorite ? » À te demander ce que tu vas mettre, après. À avoir besoin de temps pour finir ta visite, et pour respirer. T'aurais voulu tout écouter.
Laisser la musique emplir l'habitacle, et t'y noyer.
Loin des Enfers,
Loin de tout ce que tu avais pu traverser.

Loin de toutes les horreurs qui reviendraient bien assez vite, et que tu ne souhaitais pour le moment qu'oublier,

Une note à la fois.


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